• LES WRC À LA NEIGE

    Premier rallye de la saison 2018 du championnat du monde, le rallye Monte Carlo réserve toujours des surprises et un spectacle magnifique quand la neige est au rendez-vous, ce qui a été en partie le cas cette année.
    Récit de ces deux jours dans les montagnes des Hautes Alpes.

    La plaque du rallye

     

     

    Je ne m’étais pas déplacé pour voir le rallye de Monte Carlo depuis 2014 et le dernier rallye du Championnat du Monde auquel j’avais assisté était le Catalunya en 2016 dont le récit se trouve sur ce même blog. Entre temps, la réglementation technique a changé et les nouvelles autos sont plus puissantes, plus larges et dotées d’appendices aérodynamiques plus importants qui leur confèrent une tenue de route et un freinage bien plus efficaces. Bref, elles vont beaucoup plus vite.

    Je vais pouvoir juger de mes propres yeux pour ce Monte Carlo 2018 dont je vais regarder les 2° et 3° étapes le vendredi 26 et samedi 27 janvier dans les environs de Gap, plaque tournante du rallye.

     

    Le vendredi, j’ai choisi d’aller dans la spéciale Roussieux - Egalayes où les concurrents vont passer deux fois.
    De Roussieux, la spéciale emprunte une petite départementale tordue, passe le col du Reychasset pour arriver à Villebois-les-Pins, puis c’est un nouveau col qui mène à Laborel, un haut lieu du rallye. À partir de là, on retrouve le parcours de la mythique spéciale du col de Perty qui grimpe au col Saint-Jean à 1159 m d’altitude avant de plonger par une descente vertigineuse jusqu’au petit village d’Egalayes. En tout, 30,5 km. C’est dans cette descente que je vais me placer. Je connais l’endroit pour y être venu en 2010 et 2011.

    Fidèle à mes habitudes, je vais me mettre en place la veille. Le jeudi soir, quand j’arrive sur la petite route étroite qui rejoint la spéciale à mi-parcours de la descente, il n’y a qu’un seul camping-car allemand. Je peux m’installer tranquillement à 300m à peine du carrefour, alors que la nuit tombe rapidement, accompagnée d’un petit crachin désagréable.

     

    Vendredi matin. Il fait encore nuit quand je sors de mon sac de couchage et démonte mon bivouac sous les pins rabougris. Aux premières heures, les spectateurs sont arrivés en nombre et il n’y a plus une seule place de libre le long de la route. Trois kilomètres de marche en montée pour rejoindre la première épingle de la descente me réchauffent agréablement. C’est une belle épingle gauche assez large d’où on peut suivre les voitures depuis le col au-dessus sur le kilomètre qui mène à l’épingle, puis sur le kilomètre suivant qui conduit à l’épingle droite un peu plus bas.

    Le ciel est gris et la route mouillée. Pas beaucoup de spectateurs à cette épingle car elle est loin des accès. Pas de commissaire non plus ni de gendarmes. Il ne reste qu’à patienter en regardant passer les ouvreurs. Parmi ceux-ci, les éternelles Volvo T5 blanches de Ford qui font ce travail depuis au moins vingt ans ! Je remarque que les projecteurs supplémentaires sont maintenant à LED. Les phares au xénon sont déjà dépassés.

     

    10h04. Les superbes Mégane RS Sport aux couleurs flamboyantes ouvrent la route après le défilé de tous les parasites du rallye.

    Sébastien Ogier est le premier à débouler dans le hurlement rauque du moteur de sa Fiesta aux couleurs Red Bull. Vitesse hallucinante dans le tronçon à peu près rectiligne qui suit le col. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, il est déjà au freinage de l’épingle. Il nous gratifie d’un magnifique passage tout en glisse, loin de la corde. La voiture est hérissée d’ailerons aux formes complexes, d’extracteurs d’air, d’élargisseurs d’ailes mais sa couleur noire ou bleu foncé n’est pas très seyante. Je suis bluffé par la vitesse de passage et l’apparente facilité. Fantastique.

    ES 4 Roussieux Egalayes - Ogier Ingrassa - Ford Fiesta wrc - 1°


    Puis le festival continue : après la deuxième Fiesta Red Bull d’Evans, celle de Bouffier aux couleurs Yacco, les Toyota Yaris de Latvala, Tänak et Lappi semblent encore plus monstrueuses avec leur énorme et compliqué aileron arrière et la multitude de becquets qui défigurent l’avant de l’auto. En comparaison, les Hyundai i20 de Sordo, Neuville et Mikkelsen et les Citroën C3 de Meeke et Breen paraissent plus proches de la carrosserie d’origine.

    ES 4 Roussieux Egalayes - Tanak Järveoja - Toyota Yaris wrc - 2°

     ES 4 Roussieux Egalayes - Latvala Anttila - Toyota Yaris wrc - 3°

     

    ES 4 Roussieux Egalayes - Neuville Gilsoul - Hyundai i20 wrc - 5°

     
     ES 4 Roussieux Egalayes - Meeke Nagle - Citroën C3 wrc - 4° 

    ES 4 Roussieux Egalayes - Breen Martin - Citroën C3 wrc - 9°
     

    Tous passent à une vitesse incroyable, tant dans les parties droites que dans l’épingle dans une maîtrise parfaite malgré le goudron mouillée.

    Après ces onze autos, les Skoda Fabia, Peugeot 208, Citroën DS3 et Fiesta de la catégorie r5 sont largement un ton en dessous. 
    Toutes passent vite, en belles glissades, mais la différence avec les wrc est telle qu’on a l’impression qu’elles n’avancent pas. Viennent ensuite les Clios r3, les 208 r2, une bien solitaire Mitsubishi Lancer évo X, deux originales Fiat 124 Abarth rGT pas très convaincantes, une poignée de Citroën C2 et quelques Twingo r1, dont celle de Berard Bernabo qui clôture le défilé avec son numéro 119.

    ES 4 Roussieux Egalayes - Rovanperä Halttunen - Skoda Fabia r5 - 11°
     

    ES 4 Roussieux Egalayes - Berard Bernabo - Renault Twingo r1 - 37°


    Ogier a fait le meilleur temps, 1"9 devant Neuville et 4" devant Tänak.

    Le deuxième passage est à 15h11, ce qui me laisse tout le temps de redescendre tranquillement jusqu’à une double épingle gauche - droite, deux kilomètres plus bas. C’est sous la pluie que va se dérouler la spéciale.

    Ogier se fait une petite frayeur dans l’épingle au-dessus en allant au fossé suite à une amorce de tête à queue. Une grappe de spectateurs a vite fait de le remettre sur la route et il ne perdra qu’une vingtaine de secondes dans l’aventure.

    La pluie n’impressionne visiblement pas les concurrents qui passent toujours aussi fort et aussi proprement. C’est Tänak qui glisse le plus, plongeant à la corde, déjà en ligne pour la sortie. La Fiat 124 Abarth rGT verte ratatouille salement, son moteur ne tournant que sur 2 ou 3 cylindres. Cette fois-ci, c’est Evans qui fait le meilleur temps toujours devant Neuville à une petite seconde et Tanak à 20"3. Avec 34"9 de retard, Ogier n’a fait que le septième temps.

    ES 7 Roussieux Egalayes - Neuville Gilsoul - Hyundai i20 wrc - 5°
     

     ES 7 Roussieux Egalayes - Latvala Anttila - Toyota Yaris wrc - 3°
     

    ES 7 Roussieux Egalayes - Sordo Del Barrio - Hyundai i20 wrc - abandon
     

    ES 7 Roussieux Egalayes - Nucita Vozzo - Fiat 124 Abarth rgt - abandon


    Je n’attends pas la fin du défilé des amateurs et regagne ma voiture dès que la série des r5 est passée.

    Il me faut revenir à Gap, monter au col Bayard puis rouler jusqu’à l’emplacement de bivouac que j’ai reconnu jeudi soir à proximité du village de Saint Hilaire à une paire de kilomètres du village d’Ancelle que traverse la spéciale Saint-Léger-les-Mélèzes La Bâtie-Neuve.

    La pluie ne s’est pas arrêtée malgré la baisse de température. Le thermomètre de la voiture indique - 1°C.

     

    Samedi matin, il est à peine 6h quand je me réveille. Il fait encore nuit. Je sors de la tente pour voir le temps qu’il fait et je reçois une cascade de neige sur la tête. Damned ! La pluie de la veille au soir s’est transformée en neige. Une petite dizaine de centimètres recouvre le sol et ma tente.

    Je n’ai qu’un petit kilomètre à faire à pied par un chemin à travers champ pour rejoindre la spéciale. Le paysage est occulté par le brouillard et il neige toujours tandis que je marche dans la neige fraîche qui embellit tout. Très bon pour le spectacle cette neige.

    Je rejoins un point spectateur installé sur une butte dominant un long virage à gauche avec, si le temps se lève, un magnifique paysage en arrière-plan. Un groupe de jeunes a passé la nuit là, autour d’un feu. Apparemment, à voir les cadavres qui jonchent la neige, ils se sont réchauffés au whisky.

    Comme la veille, on patiente en regardant passer les ouvreurs qui tâtent l’adhérence de la neige sale qui recouvre la route. La trajectoire se dégage quelque peu au fur et à mesure mais la route reste très glissante. Le brouillard se dissipe aussi dégageant l’immense et magnifique paysage de montagne.

    Pour ce passage de la deuxième étape, les dix premiers concurrents passent dans l’ordre inverse du classement. Enfin, la performance n’est plus irrémédiablement pénalisée comme c’était le cas les années précédentes.

    Malgré les pneus neige cloutés, visiblement les pilotes ne prennent pas de risques. Trajectoires propres et loin des bas-côtés, voitures bien en ligne, Breen, Neuville, Evans, Bouffier, Meeke, Latvala, Lappi, Sordo et Tänak précèdent Ogier qui ne fait que le quatrième temps à 15" de Tänak. Mais il est toujours en tête du rallye à plus d’une minute de ce dernier.

    Malgré des vitesses de passage plus faibles que la veille, les accélérations sont stupéfiantes et le contraste avec les r5 qui suivent n’en est que plus grand. Dans cette catégorie, Camilli sur la Fiesta fait le meilleur temps à 40" du leader, la Fiat 124 Abarth a retrouvé tous ses cylindres, et Berard Bernabo et leur joli Twingo r1 passent bons derniers mais sont toujours là.

     ES 10 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Breen Martin - Citroën C3 wrc - 9°
     

    ES 10 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve -  Neuville Gilsoul - Hyundai i20 wrc - 5°
     

    ES 10 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Evans Baritt - Ford Fiesta wrc - 6°

    ES 10 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Bouffier Panseri - Ford Fiesta wrc - 8°
     

     ES 10 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Meeke Nagle - Citroën C3 wrc - 4°
     

    ES 10 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Tanak Järveoja - Toyota Yaris wrc - 2°
     

    ES 10 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Ogier Ingrassa - Ford Fiesta wrc - 1°


    La Fiesta des Italiens Villa Michi se fait remarquer par sa très jolie décoration multicolore.

    ES 10 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Villa Michi - Ford Fiesta r5 - 16°


    Au fur et à mesure des passages, le brouillard se lève et le soleil fait son apparition et fait fondre la neige.

    ES 12 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Spectateurs au bord de la spéciale


    J’ai décidé de ne pas changer de place pour le deuxième passage de 13h08. Il fait bien meilleur et je mange mon casse-croûte au soleil face à un magnifique paysage enneigé.

     ES 12 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Le Pic de Bure 2709


    Au deuxième passage, la route est complètement dégagée. Il n’y a plus de neige mais elle reste très mouillée. Des nappes de brouillard vont et viennent au gré du vent créant un éclairage un peu surréaliste.

    Toujours aussi propres, toujours aussi vite. On ne s’en lasse pas. Neuville fait le meilleur temps en améliorant le temps du premier passage de 1’30. Il est suivi de Tänak, Lappi, Evans, Latvala et Ogier qui gère son avance.

    Cette fois, je profite du spectacle jusqu’au bout avant de rejoindre ma voiture.

    ES 12 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Evans Baritt - Ford Fiesta wrc - 6°
     

    ES 12 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Bouffier Panseri - Ford Fiesta wrc - 8°
     

    ES 12 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Tänak Järveoja - Toyota Yaris wrc - 2°
     

    ES 12 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Ogier Ingrassa - Ford Fiesta wrc - 1°
     

    ES 12 Saint Léger les Mélèzes La Batie Neuve - Kopecky Dresler - Skoda Fabia r5 - 10°


    La route est totalement dégagée et la circulation n’est pas encore saturée. J’évite le centre de Gap en empruntant un itinéraire de contournement que m’a enseigné un auto-stoppeur pris le jeudi après-midi, et j’arrive à l’autoroute A 51 avant le gros des spectateurs. Reste à avaler les 285 kilomètres d’autoroute en respectant les 130 km/h fatidiques mais j’ai un régulateur de vitesse pour s’occuper de ça.
    J’ai ainsi l’esprit libre pour me remémorer les belles images de ces deux jours de rallye. Ces nouvelles wrc sont fantastiques. Elles vont très vite et sont spectaculaires, surtout sur un terrain aussi piégeux. 

    Ogier a gagné une fois de plus le rallye de Monte Carlo en menant de bout en bout. C’est sa 6° victoire et la 5° consécutive. Les Toyota ont fait un remarquable tir groupé avec les 2° et 3° places pour Tänak qui a confirmé son immense potentiel et Latvala. Les Citroën sont en retrait et son patron doit se mordre les doigts de ne pas avoir recruté Ogier. Les Hyundai pourtant favorites, ont joué de malchance avec les sorties de route de Neuville puis Sordo et les ennuis mécaniques de Mikkelsen.

    Quant aux mesures de sécurité exceptionnelles dont on nous a rebattu les oreilles et qui avaient failli me dissuader de venir, elles n’ont pas été aussi contraignantes que ce que je craignais. Il faut dire que j’ai soigneusement évité les spots trop fréquentés où la concentration des spectateurs impose des règles strictes que commissaires et gendarmes appliquent aveuglément.

    Je pense que je reviendrai l'année prochaine savourer à nouveau le spectacle donné par les meilleurs pilotes du monde au volant de ces exceptionnelles autos.

     

     

     

     

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