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VIA ARLENSIS
Une marche de 4 jours sur le début du chemin d'Arles vers St Jacques de Compostelle à travers la Petite Camargue et la plaine du Bas Languedoc.
En 2013, pour mon pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle, j’avais prévu de partir d’Arles mais un souci de dernière minute m’avait obligé à reporter mon départ. J’avais alors choisi d’attendre trois jours pour démarrer de mon domicile sans avoir effectué les premières étapes d’Arles à Montpellier.
C’est pourquoi j’avais envie de découvrir ce tronçon qui traverse la Petite Camargue puis serpente entre les exploitations maraichères et les domaines viticoles de la plaine du Bas Languedoc, faisant étape à Saint-Gilles et Gallargues-le-Montueux. C’est en ce début d’avril 2024 que j’ai parcouru cet itinéraire.
J’ai donc rejoint en train la belle ville d’Arles qui se dresse sur les rives du Rhône depuis plus de 2500 ans. Des monuments remarquables y ont été construits à l'époque romaine, notamment le théâtre antique, les arènes, la nécropole des Alyscamps et les thermes de Constantin.
La ville est aussi connue pour la cathédrale Saint Trophime qui fut construite à partir de l'an 1100.Le temps est gris et froid quand je sors de la gare en ce dimanche de Pâques pour découvrir une ville en fête car c'est la Féria de printemps. Du monde partout, des stands de foire, de la musique, des odeurs de barbe à papa et de saucisse grillée, voici l'ambiance qui m'accueille. Je traverse cette joyeuse pagaïe, un peu incongru dans mes habits de randonneur et le sac au dos pour rejoindre l'hébergement où j'ai réservé. Par ci par là, de petites fanfares jouent dans la rue.
Je passe près des arènes où une corrida est en train de se dérouler. La musique si caractéristique et les olé débordent dans les rues avoisinantes mais l'absence de soleil ne met pas en valeur ce magnifique édifice.
Je loge chez Myriam dont la maison se situe dans une petite rue à 50 m à peine des arènes. Un petit jardin protégé par une grille devance la maison. Myriam est une Belge sympathique qui me fait faire le tour de mon chez moi de ce soir.
Je ressors aussitôt pour aller visiter les sites les plus intéressants. Sur la place de la République, se dresse l'hôtel de ville dessiné par Mansart et dont la construction fut achevée en 1676. Un bel édifice classique dont la porte d'entrée est surmontée d'un bas-relief avec les armes de la ville.
Les drapeaux français, de Provence et de la région PACA flottent au vent aux côtés des drapeaux européen et ukrainien.
Mais sur cette place de la République, le plus remarquable est la cathédrale St Trophime, église romane dont la façade s’orne d’un magnifique tympan.
Compte tenu de l’heure tardive, je commence par le cloître adossé à l’église. Grâce à ma qualité de pèlerin attestée par ma créanciale, la visite est gratuite. Heureusement, car le cloître est assez décevant. Le temps maussade ne doit pas arranger les choses mais la cour centrale est cimentée et les immenses salles qui ouvrent tout autour sont vides.
Depuis les terrasses, on peut voir le clocher carré qui a remplacé au 13° siècle le clocher originel.
Seul point intéressant pour moi, les colonnes qui supportent les galeries sont couronnées de chapiteaux finement travaillés.
J’écourte ma visite pour revenir à la cathédrale considérée comme la plus importante église romane de Provence. Sa haute nef voutée est flanquée d’étroits bas-côtés également voutés.
Au fond, le chœur entouré d’un déambulatoire date du 15° siècle. Tout autour s’ouvrent plusieurs chapelles, dont la grande chapelle des Rois Mages et celle du Saint Sépulcre.
En ressortant de l’église, je continue ma promenade dans la ville. J’emprunte les lices qui me mènent au jardin d’été où a été érigée un monument en souvenir du peintre Vincent Van Gogh qui a passé 16 mois dans la ville et y a réalisé plus de 300 dessins et peintures.
Ce jardin donne accès à l’entrée du théâtre romain, fermé à cette heure.
S’il avait fait beau, j’aurais certainement suivi le parcours Van Gogh balisé par la ville, mais il commence à pleuvoir et je préfère rentrer chez Myriam qui, de toute façon, m’attend pour dîner à 19h30.
Au passage, je m’arrête écouter un petit groupe musical qui continue de jouer imperturbablement sous les premières averses.
Je remarque aussi cette rue au drôle de nom :
Le repas en compagnie de Myriam est bien et j’apprécie qu’elle dîne avec moi, ce qui est autrement plus agréable que si j’avais dû manger en solitaire.
Myriam est une dame très intéressante qui a longtemps été bénévole à l’abbaye de Conques, accueillant les pèlerins et participant au fonctionnement de l’hôtellerie. Elle a aussi beaucoup marché et beaucoup voyagé.
Pendant ce temps, la pluie n’a pas arrêté de tomber et le tonnerre gronde quand je me couche.
PREMIERE ETAPE ARLES - SAINT GILLES 22 km
Au réveil, mon premier geste est d’aller à la fenêtre voir le temps qu’il fait. Je suis rassuré en voyant le ciel bleu. Apparemment, le vent est tombé. Parfait, ce sera une belle journée.
Je quitte cet agréable hébergement à 9h15 après un copieux petit-déjeuner pris à nouveau en compagnie de ma logeuse. Je longe les arènes, éclairées par le soleil, puis le jardin du théâtre romain. Sur la place de la République, la façade de St Trophime est elle aussi au soleil. Cet éclairage change tout.
Je rejoins le Rhône que je traverse sur le pont de Trinquetaille. Je me souviens que c’est à cet endroit que Van Gogh a peint "La nuit étoilée". Le niveau du fleuve est assez haut et les quais sont partiellement inondés par l'eau boueuse.
Au bout du pont, je prends la première photo de mon périple.
À partir d’ici, deux itinéraires s’offrent à moi : soit je tourne à gauche pour emprunter l’officiel mais qui a l'inconvénient de suivre une route, soit je vais tout droit et rejoins la digue qui longe le bras du Petit Rhône. C’est cette solution que je choisis malgré les 3 kilomètres supplémentaires.
J’emprunte l’avenue Edouard Herriot qui mène directement au pont de Fourques. C’est le printemps, il y a des fleurs partout. Une belle glycine déborde par-dessus le mur d’une villa.
Au pont, je quitte la route pour la digue que je vais suivre pendant 18 kilomètres. A ma droite, le fleuve en partie caché par un rideau de végétation, à ma gauche des cultures et quelques mas éparpillés dans la plaine.
Je rencontre quelques sportifs et des promeneurs de chien. La digue est agréable, gravillonnée, en partie à l’ombre, et la marche est facile.
Je passe sous le pont de la D 6113 qui file vers Bellegarde et Nîmes.
J’avance sans me presser en admirant les paysages, les fleurs, le fleuve qui apparaît parfois dans une trouée, les rizières qui s’étirent jusqu’à l’horizon. J’écoute le chant des oiseaux, le martellement d’un pivert sur un tronc d'arbre, le bruissement de l’eau.
Après une petite pause près de la station de pompage du Mas Vert, j’arrive finalement à l’autoroute A 54. Le chemin se glisse sous le ruban de bitume.
Un immense peuplier tout blanc se dresse au bord du fleuve et disperse le duvet de ses fruits dans le vent. On croirait qu’il neige.
À partir d’ici, les rizières ont laissé la place aux vergers de pommiers dont les rangées s’alignent à l’infini.
Il est un peu plus de midi quand j’arrive au pont ferroviaire qui enjambe le Rhône. C’est une voie ferrée désaffectée qui file tout droit vers St Gilles. On m’a conseillé de l’emprunter car c’est un raccourci qui fait gagner 2 à 3 kilomètres. À ne pas négliger. Je m’engage sur les tôles rouillées et traverse.
C’est à la sortie du pont que je fais une pause pour manger mon repas avant de reprendre ma marche toujours sur la voie ferrée jusqu’à l’endroit où le balisage du GR 653 la coupe. Un panneau me confirme que je suis bien sur le bon chemin.
Plus qu’une paire de kilomètres dans cette plaine qui s’étire sous un ciel immense.
Je rattrape et double deux pèlerins lourdement chargés et marchant lentement en s’aidant de bâtons. Le château d’eau de Saint-Gilles se détache sur la crête où a été construit le village.
Je traverse le canal du Rhône à Sète avant de grimper vers le centre.
En parcourant les rues vers le cœur du village, je remarque ce numéro de maison personnalisé. La course de taureaux est très à la mode dans la région.
Plus loin, c’est une statue de saint Gilles qui a été installée à l’angle d’une rue. Le saint est représenté en abbé bénédictin avec la crosse d’évêque et avec la biche couchée à ses pieds.
Saint Gilles était un moine légendaire qui serait né à Athènes et serait venu vivre en ermite dans les environs au 7° siècle. Saint patron des infirmes, des mendiants et des forgerons, il était réputé guérir l'épilepsie, la folie, la stérilité et la possession démoniaque (sic).
Il est souvent représenté avec une biche à ses pieds et une flèche plantée dans sa main en raison d'une légende qui raconte qu'une biche poursuivie par les chasseurs du roi Wamba (grand roi wisigoth du 7° siècle) serait venue se réfugier dans sa grotte et se coucher à ses pieds. La main du saint en prière aurait été transpercée par une flèche visant l'animal. Le moine aurait alors persuadé le roi de fonder un monastère pour se faire pardonner la méprise. C'est ainsi qu'aurait été construite l'abbaye de Saint-Gilles-du-Gard.
Je débouche sur la place de la République dominée par l’éclatante façade de l’église abbatiale éclairée par le soleil. Quel magnifique tableau !
Avant toute chose, je voudrais aller déposer mon sac. Le gîte est tout à coté au fond d’une impasse. Il est bien agréable et l’accueil est très sympathique. Une terrasse, une cuisine, des sanitaires et un dortoir de 8 places. Une jeune femme solitaire est déjà là.
Je pose mes affaires sur un des lits et ressors pour aller visiter l’église.
Elle fut bâtie au 12° siècle pour faire face à l'afflux croissant de pèlerins car Saint Gilles était le sanctuaire le plus fréquenté de tout l'Occident à cause de la présence du corps de saint Gilles et par le fait que la ville était le port d'embarquement pour Rome et la Terre Sainte.
L'église fut édifiée au-dessus de l'église primitive, la crypte actuelle, où reposait le corps du saint.
La façade est un chef-d’œuvre reconnu de l’art roman provençal, malgré ses nombreuses détériorations. Réalisée entre 1120 et 1160, elle est un véritable "livre de pierre" à destination des fidèles souvent illettrés à l'époque. On peut y voir des scènes de l’Ancien Testament, des statues et personnages du Nouveau Testament, les tympans retraçant des étapes majeures de la vie du Christ.
La sobriété de la nef et du chœur tranche avec l'exubérance de la façade, contraste accentué par la différence d'éclairage.
La visite est gratuite pour les pèlerins. La surveillante derrière le guichet est très serviable et me dit de la prévenir si je veux visiter la crypte. On ne peut pas rater la moderne statue de Saint Jacques installée à l’entrée de l’église, qui nous rappelle que nous sommes bien sur le chemin de Compostelle.
Après avoir fait le tour de l’église, cette dame m’accompagne dans les escaliers qui descendent à la crypte. En atteignant la grille qui en interdit l’accès, on est surpris par la grandeur inhabituelle.
La crypte qui s’étend sous la nef est impressionnante pas ses dimensions, 50 m de long sur 25 de large. Elle est divisée en 3 nefs et comporte des arcs sculptés et une clé de voûte ornée d’un Christ souriant et bénissant.
Au centre, entourée d’une grille en fer forgé, se trouve la tombe de saint Gilles sur laquelle sont déposés quelques fleurs et surtout de petits papiers contenant vraisemblablement des prières.
Lorsque je remonte, la responsable m’attend et nous bavardons un moment avant que je quitte l’église pour repasser au gîte. Les deux pèlerins doublés tout à l’heure sont arrivés. C’est un couple de Canadiens qui ont l’air bien fatigués. La jeune femme est toujours sur son lit en train de lire un livre.
Je ressors pour aller me promener dans le village où il n’y a pas grand-chose à voir. Heureusement, au détour d’une rue, je rencontre la jeune femme de l’église qui a fini son service. Elle a l’air ravie de me voir et, du coup, je lui propose d’aller boire un verre s’il y a un bar ouvert quelque part. C’est le lundi de Pâques et le village a l’air assez mort.
Nous en trouvons un, peut-être le seul, et nous installons en terrasse. Elle s’appelle Simone et est passionnée par le chemin de Compostelle. À force de rencontrer des pèlerins et de discuter avec eux, elle a appris beaucoup de choses et a surtout attrapé le virus. Elle espère bien partir un jour. En tout cas, je passe un agréable moment en sa compagnie jusqu’à l’heure du dîner. C’est encore elle qui m’indique le seul restaurant ouvert ce jour-là.
J’y rencontre deux autres pèlerins qui logent sur place et une jeune pèlerine, Julie, dont c’est le premier jour de marche. Elle est très inquiète et semble peu préparée. Elle a surtout peur de ne pas y arriver ou de se perdre et souffre déjà d’ampoules. Je lui donne quelques conseils pour la suite de son périple.
Quand je rentre au gîte, il est à peine 20h30 mais tout est éteint et tout le monde dort. Je dois me coucher dans le noir et sans bruit pour éviter de réveiller mes compagnons.
DEUXIEME ETAPE : SAINT GILLES - GALLARGUES-LE-MONTUEUX 27 km
Quand je me lève à 7h, tout le monde dort encore. Ils n'ont pas l'air très pressés mes compagnons d'un jour. Je me prépare et quitte le gîte en catimini. J’achète des croissants et un demi-pain à la boulangerie voisine et vais déjeuner dans un bar au bas de la rue. Il est 7h50 quand je démarre, un gros progrès par rapport è la veille.
Dans les rues du village, je découvre au sol le marquage en bronze du chemin.
Le temps est à nouveau au beau fixe et il est très agréable de marcher dans la fraîcheur du matin. Comme hier, les fleurs sont partout et j’admire en passant ce bel arbre de Judée éclatant. Quant à la limitation de vitesse, je n’ai rien à craindre.
Je retrouve très vite la voie ferrée désaffectée déjà empruntée hier et j’ai l’intention de l’utiliser à nouveau car elle file tout droit dans la bonne direction.
Elle va encore me faire économiser quelques centaines de mètres et m’évitera de marcher le long d’une route. La campagne est belle, éclairée par le soleil rasant.
Au bout de trois kilomètres, je retrouve le balisage du chemin qui emprunte une petite route desservant plusieurs exploitations vinicoles. Je traverse le terroir des Costières de Nîmes. Tous les propriétaires font assaut de publicité pour attirer les touristes amateurs de bon vin.
Le chemin d’exploitation mène au canal d’irrigation du Bas-Rhône. Ce canal de 72 km de long amène l’eau prise dans le Rhône vers le sud du département du Gard et l’est de l’Hérault permettant depuis les années 60 le développement des cultures maraichères et fruitières.
C’est l’endroit rêvé pour une petite pause bien à l’abri du vent derrière une épaisse haie de lauriers.
Trois kilomètres plus loin, l’itinéraire bifurque vers le nord-ouest en direction de Vauvert à travers une zone de collines où la vigne et les vergers se mêlent à quelques petits bois de chênes.
Dans ce secteur, le GR 653 emprunte plusieurs chemins de petite randonnée locaux qui bénéficient d’un marquage précis bien utile.
Je rencontre les premiers vergers de pêchers au bord du chemin. En regardant de plus près, je constate que les fruits commencent à se former. La saison est-elle en avance ?
J’emprunte un chemin baptisé "la voie dite du Laquet de Fénestralle" agréable car souvent à l’ombre et qui monte le long d’une longue crête. Je passe près d’un élevage de cochons bien caché dans les bois où les pauvres bêtes sont enfermées dans un enclos qui est un véritable bourbier.
Au sommet de la colline, le paysage s’éclaircit. Des taureaux paissent tranquillement dans un champ, tandis qu’un nouvel embranchement et ses panneaux me permettent d’évaluer la distance qu’il me reste à parcourir. Gallargues est encore à 16,2 km tandis que j’ai marché 13,1 km depuis Saint Gilles.
Des pavots de Californie poussent avec allégresse sur un tas de terre au croisement avec une route goudronnée.
Après avoir traversé un vallon bien boisé, le chemin remonte sur un plateau dégagé. Un magnifique chêne isolé se dresse au bord du chemin. Je me colle contre son tronc et l’enlace longuement comme me l’a appris mon amie Sylvie. En agissant ainsi on récupère une partie de son énergie. Il en faut pour pomper l’eau au bout de ses racines à une dizaine de mètres sous terre et la faire monter jusqu’à l’extrémité de toutes ses branches à une dizaine de mètres de hauteur.
De ce plateau à un petit kilomètre des premières maisons de Vauvert, pour la première fois, je peux voir la silhouette caractéristique du Pic Saint Loup, la montagne emblématique de Montpellier, qui pointe à l’horizon.
Voici le début des premiers lotissements. Un accueil des pèlerins y a été aménagé avec sculpture stylisée, bancs installés à l’ombre des pins et panneau explicatif.
Entre autres choses, on y explique l’origine d’une expression bien connue "aller au diable Vauvert" que vous trouverez sur la photo ci-dessous.
Les marques rouge et blanche me conduisent vers la place Gambetta où se dresse l’église Notre Dame de l’Assomption et le beffroi de la ville construit sur la porte Saint Gilles, seule rescapée des anciens remparts.
L’intérieur de l’église est particulièrement sobre. Les fonds baptismaux ont attiré mon attention en raison de la plaque indiquant que le marquis de Montcalm, découvreur du Canada, avait été baptisé dans cette église. D’une part, j’habite dans un immeuble portant son nom, d’autre part, je suis passé au mois d’août dans le hameau de Saint-Véran, berceau de sa famille (voir récit "Causse Noir" sur ce même blog).
Sur la place des Halles, centre du village où se trouve la plupart des commerces, je m’installe sur un banc pour manger mon repas avant d’aller boire un café au bar voisin. Il fait agréablement bon. Quand je repars, arrive la fille qui était au gîte à Saint Gilles. Elle a décidé de s’arrêter là pour aujourd’hui.
En quittant la ville, je passe devant les arènes puis traverse la voie ferrée Nîmes - Le Grau-du-Roi et la rivière canalisée du Vistre.
Il fait chaud au soleil et je mets mon chapeau pour me protéger la tête.
Je suis le parcours fléché jusqu’au Mas Ponthieu après avoir traversé le Vistre au moulin d’Étienne.
C’est là que je comptais prendre l’ancien itinéraire plus court car allant directement à Gallargues sans faire le détour par Codognan mais je m’aperçois qu’il existe une meilleure possibilité par le mas d’Émile et la petite route qui mène directement au pont permettant de franchir la ligne à grande vitesse.
Le mas d’Émile se cache dans un bois de pins entouré d’une mer de vignes.
Le chemin se rapproche petit à petit de la ligne à grande vitesse sur laquelle j’ai pu voir passer 2 TGV pendant ce laps de temps.
Au loin, on peut voir les maisons du village de Codognan que mon itinéraire m’a permis d’éviter.
Sous le pont, je retrouve l’ancien parcours devenu PR (chemin de petite randonnée) avec son balisage minutieux qui m’amène directement à Gallargues.
Mais l’arrivée dans ce village est un peu désagréable car on doit traverser une zone artisanale assez étendue et longer pendant un moment la voie ferrée.
Le gîte se trouve presqu’en haut du village dans une rue en pente.
C’est fermé. J’appelle le numéro indiqué et laisse un message sur un répondeur. Je dois patienter un moment avant que le responsable me rappelle et m’indique comment récupérer les clés, ce qui me laisse le temps de commencer à rédiger mon journal et trier les photos.
Je peux m’installer dans le dortoir garni de 7 lits. Un peu plus tard, arrive un couple de jeunes Argentins à vélo, Leandro et Galla, très sympathiques. Ils apprécient de pouvoir discuter en espagnol avec moi.
Je vais faire mes courses pour le lendemain au Super U en bas du village puis je pars en exploration. Les rues sont pentues. Gallargues ne s’appelle pas le Montueux pour rien.
Je découvre un restaurant où je pourrai dîner ainsi que la tour surmontée d’un télégraphe de Chappe au sommet de la colline.
Le télégraphe Chappe était un moyen de communication visuel mis au point par Claude Chappe en 1794. Placé sur des tours dites tours de Chappe et espacées d'une dizaine de kilomètres, il permettait de transmettre des messages sur des distances de plusieurs centaines de kilomètres en un temps record pour l'époque. Aujourd'hui, seuls une vingtaine d'exemplaires subsistent en France, parfois en bien mauvais état.Il comportait un mât sur lequel était fixé un bras principal aux bouts duquel des ailes ou indicateurs articulés permettaient un grand nombre de combinaisons pour représenter lettres et chiffres.
Le restaurant La Croq au Sel est installé dans une cave voutée. J’ai eu bon nez de venir à l’avance et réserver car à 19h30, il se remplit très vite. Arrive le pèlerin rencontré au restaurant à Saint-Gilles. Il n’a pas réservé et ne doit son salut qu’au fait de pouvoir s’asseoir avec moi. Nous faisons connaissance. Il s’appelle Richard, vient de Vallabrègues au bord du Rhône au nord de Beaucaire et compte marcher jusqu’à Lodève. Il loge chez une dame qui accueille les pèlerins.
Le repas est excellent. Ce restaurant qui ne paye pas de mine est coté au Gault et Millau.
De retour au gîte, je retrouve les Argentins qui sont en train de préparer leur repas. Ils ont 35 et 31 ans et pédalent depuis Santiago. Aujourd’hui, ils arrivent de Saint-Guilhem-le-Désert. Ils comptent aller jusqu’à Rome puis dans le sud de l’Italie où Leandro voudrait retrouver les membres de sa famille qui vivent encore dans cette région. Beau programme. Nous discutons un bon moment avant d’aller nous coucher.
TROISIEME ETAPE : GALLARGUES-LE-MONTUEUX - VENDARGUES 27 km
Je me réveille à 7h30 alors que les Argentins dorment encore. Je me prépare sans bruit et quitte le gîte à 8h15 après avoir dit au revoir à Galla qui venait de se réveiller.
Quand je quitte Gallargues par des rues encore désertes à cette heure, il se met à pleuvoir mais ça ne dure pas et le ciel se dégage rapidement. Je n’ai rencontré qu’une seule personne, une lycéenne à l’arrêt de bus qui me sourit aimablement quand je passe.
Je rejoins le Vidourle, fleuve capricieux bien connu dans la région pour ses crues dévastatrices. Il a dû déborder lors des grosses pluies de la semaine précédente.
Mon objectif est d’arriver au pont romain d’Ambrussum dont la seule arche rescapée se dresse au milieu de l’eau.
Ce pont qui comportait à l'origine 11 arches fut construit au 1° siècle pour permettre à la voie Domitienne d’enjamber le Vidourle. Il fut utilisé jusqu'en 1299 puis fut en partie démoli au Moyen-âge pour obliger le trafic à emprunter le nouveau pont à péage de Lunel. La hauteur de l’arche laisse supposer que les Romains étaient bien au courant des colères du fleuve.
Tout à côté, un oppidum était construit sur la colline voisine pour défendre cet important point de passage.Au musée Fabre de Montpellier, on peut voir un tableau peint par Gustave Courbet en 1857 de ce même pont. On peut constater qu'à cette époque, il subsistait encore deux arches.
Le chemin remonte le long de la rive gauche jusqu’au pont submersible de Villetelle où je pourrai traverser. Je passe sous l’autoroute A 9 où la circulation est intense. Là-haut, c'est un autre monde.
Je photographie ce platane aux racines torturées et à l’air libre, l’eau ayant depuis longtemps arraché la terre tout autour.
Le niveau de l’eau est encore élevé mais le pont est à sec. Quand le Vidourle est en crue, l’eau passe par-dessus le pont et il devient très dangereux de tenter de passer. Quelques inconscients y ont laissé leur voiture et parfois la vie.
J’entre dans ce village où je suis si souvent passé en voiture pour me rendre chez mon beau-frère dans un village voisin. À pied, je découvre des détails auxquels je n’avais jamais prêté attention comme ces marquages au pochoir, les empègues, sur les portes des maisons, représentant les marques des manades de taureaux de la région.
Une minuscule épicerie me permet de boire un café inespéré avant de reprendre ma marche vers la crête de La Roque couverte de garrigue. Du sommet, j’ai une vue bien dégagée sur la suite de mon parcours.
J’avance par des petites routes et des chemins à travers vignes et vergers et passe les villages de Saturargues puis Vérargues.
Je fais une pause un peu plus loin, sur une aire de loisirs aménagée au bord d'un ruisseau d’où la vue sur ce paisible village est reposante.
C’est là, au pied du château de Pouget, que le GR bifurque vers le nord-ouest pour rejoindre Saint-Christol, ce qui représente un détour important que je veux éviter.
L’itinéraire direct que j’avais repéré passe sans problème par de bons chemins dans une campagne lumineuse.
Trois kilomètres plus loin, je retrouve le marquage. Au domaine de Bruyère, je fais la pause repas, à l’ombre des arbres.
Dans les bois de Missargues, je retrouve Richard qui faisait une halte et nous continuons ensemble vers Saint-Geniès-des-Mourgues. Ici aussi, il y a une voie ferrée désaffectée et nous décidons de l’emprunter pour couper tout droit. Au début, tout va bien car elle a été aménagée en voie verte qui passe devant l’ancienne gare, bien mal en point.
Malheureusement, au-delà, les ronces ont envahi la voie et nous sommes obligés de reprendre le parcours du GR qui se rapproche inexorablement de l’autoroute A9. Nous faisons une halte au bord du ruisseau Le Bérange sous les grands platanes alors que quelques gouttes d’eau tombent des nuages noirs qui ont momentanément envahi le ciel. Nous sommes au niveau du péage de Baillargues tout proche et le grondement de la circulation est permanent.
Un peu plus loin, nous passons au Mas de Rou devenu "lieu d’accueil évènementiel" où nous découvrons cette vénérable 4CV Renault transformée en sculpture surréaliste d’un goût douteux.
À partir de là, le chemin traverse en ligne droite les bois de Vigne Morte pendant environ 3 kilomètres. On approche de la ville.
Les premiers signes sont bien là. Nous rencontrons la déchetterie locale puis un campement de gitans, puis traversons diverses zones artisanales et une rocade avant de pénétrer dans une longue zone pavillonnaire et d’arriver au centre du village. Nous trouvons facilement le gîte qui se trouve en face du garage Renault, comme nous l’a précisé le responsable.
Le gîte est un bel endroit et l’accueil par Emmanuel très amical. On y est bien.
On s’installe au son d’une musique enjouée de paso doble. Richard, qui est un afficionado, comprend que la musique et les sonneries de trompette viennent des arènes voisines où doit se dérouler une course de taureaux. Nous décidons d’y aller. Ce n’est pas une grande course, plutôt une épreuve où sont testés de jeunes taureaux et les jeunes razzeteurs débutants, ce qui n’enlève rien au spectacle. Pour ceux qui ne connaissent pas ce sport, ce n’est pas une corrida mais une course où les razzeteurs doivent enlever une cocarde qui a été placée entre les cornes de l’animal. Ici, la vedette c’est le taureau qui n’est pas mis à mort et repart à la fin de sa prestation.
Pour dîner, nous nous rendons dans une pizzeria voisine où nous apprécions la délicieuse "pizza du chef".
Au gîte, un autre pèlerin est arrivé. Il voyage à vélo et est parti d’Arles le matin même. Là-bas, lui aussi a dormi chez Myriam.
Richard hésite sur la conduite à tenir pour la suite du parcours. Il n’a pas envie de traverser Montpellier à pied, considérant que le trajet en ville n'est ni agréable ni intéressant. Emmanuel lui propose de prendre le bus le lendemain matin puis le tram pour traverser la ville.
QUATRIEME ETAPE : VENDARGUES - MONTPELLIER 12 km
Finalement, Richard a renoncé à prendre le bus et préfère marcher avec moi jusqu’à l’arrêt de tram du lycée Georges Pompidou près de Jacou.
Nous partons ensemble dans l’agréable fraîcheur du matin. Le trajet, lui, l’est moins car nous devons suivre la M 65, un grand axe à l’intense circulation.
Pour y échapper, nous empruntons les rues qui serpentent dans le quartier résidentiel de Salaison sur la commune du Crès.
On arrive très vite au lac du Crès où seuls quelques rares sportifs animent le paysage.
Le chemin de terre que je connaissais est devenu un agréable chemin piétonnier et cycliste bien goudronné. Il passe sous la rocade par un pont dont les murs sont toujours décorés de magnifiques peintures murales.
De l’autre côté, le chemin remonte vers la ligne de tram. C’est là que Richard me quitte pour aller prendre ce moyen de transport rapide et sûr qui va l’emmener de l’autre côté de la ville.
Moi je continue tout droit en suivant les marques. Je constate que l’itinéraire a encore changé. Il continue plein ouest dans le vallon qui sépare Clapiers de Castelnau puis grimpe sur le plateau et entre dans la zone pavillonnaire de Castelnau. Au cimetière, je retrouve le parcours que je connaissais et qui, par les agréables rues du Romarin puis du Thym, me conduit vers le centre-ville. Sur la place du four à chaux, se dresse la sculpture qui avait été érigée pour le grand évènement du passage à l’an 2000. C’est si loin déjà !
La place de la mairie est l’occasion d’une halte café face à l’immeuble moderne de l’hôtel de ville. Les drapeaux claquent au vent. Ici aussi, un drapeau ukrainien est installé à côté des autres drapeaux habituels.
De là, le balisage me conduit vers l’église romane Saint-Jean-Baptiste un peu coincée dans les petites rues du cœur du village ancien. Elle date du 12° siècle et fut fortifiée deux siècles plus tard par l’ajout de machicoulis. Le clocher qui date de la même époque est surmonté d’un élégant campanile en fer forgé.
L’intérieur est particulièrement sobre avec sa nef unique et son abside en cul-de-four.
Ici je suis en terrain connu mais je respecte le balisage qui m’entraîne dans un dédale de petites rues en pente et d’escaliers qui dégringolent jusqu’au bord du Lez.
Je le traverse sur le grand pont routier. Me voici à Montpellier.
Il ne me reste qu’à rejoindre le quartier d’Antigone. À 11h30, je suis revenu chez moi et c’est déjà la fin de cette intéressante balade.
Ces 3 jours et demi de marche sur ce tronçon de la voie Arlensis ont été un plaisir grâce au beau temps et au bon déroulement de ma marche. C’était la saison idéale pour faire cette randonnée. Beau temps, température agréable, beauté des paysages due à l’avènement du printemps, les arbres retrouvant leurs vertes frondaisons et les fleurs illuminant la campagne.
Tous les raccourcis que j’avais prévus de prendre étaient utilisables, ce qui m’a fait économiser quelques kilomètres, chose appréciable quand l’étape est annoncée pour plus de 30 kilomètres.
Il est dommage que le parcours soit régulièrement modifié et fasse des détours pour satisfaire tel ou tel maire qui souhaite lui aussi bénéficier de la manne qu’apporte le chemin aux communes traversées. Cela ajoute des kilomètres inutiles dans les jambes des pèlerins.
Je suis surtout content d’avoir retrouvé l’ambiance du chemin grâce à l’accueil reçu dans les gîtes le long du parcours, aux saluts amicaux des habitants des villages et des agriculteurs sur leurs tracteurs. Les quelques agréables rencontres, Myriam à Arles, Simone et Julie à Saint-Gilles, Leandro et Galla à Gallargues, Richard avec qui j’ai marché à la fin de mon parcours, y ont contribué car elles font partie de cette ambiance si spéciale que j’adore.
Ce qui est sûr, c’est que ce bout de chemin a ravivé mon envie de partir et de parcourir un nouveau chemin vers Saint Jacques de Compostelle. Il y en a beaucoup, je n’aurai que l’embarras du choix. Le trajet en rouge sur la carte ci-dessous pourrait être mon prochain projet.
Si Dieu le veut.
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