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LES HOSPITALIERS DE ST JEAN DE JERUSALEM
Un voyage de 10 jours particulièrement intéressant à Malte, petite île à l’immense richesse historique due en grande partie aux Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem.
Ce mois d’avril 2024, nous avons séjourné 10 jours à Malte, complétant ainsi notre série des îles de la Méditerranée.
Malte est en fait un archipel qui comprend 3 îles principales, Malte, Gozo et Comino, et quelques autres ilots inhabités.
L’île principale mesure environ 27 km de long sur 14 de large tandis que Gozo est deux fois plus petite. Des dimensions réduites qui facilitent les déplacements.
L’archipel occupe une position stratégique entre la Tunisie et la Sicile, ce qui lui a valu une histoire agitée. Les Phéniciens, les Grecs, les Carthaginois et les Romains qui y restèrent 600 ans, les Vandales et les Ostrogoths, les Byzantins, les Arabes, les Normands et les Siciliens l’occupèrent avant la venue des Français puis des Anglais quelques siècles plus tard.
Mais ce sont les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui laissèrent l’empreinte la plus durable sur l’île.
Cet ordre est né autour de l’an 1000 en Terre Sainte avec l’apparition de moines hospitaliers qui aidaient et protégeaient les pèlerins. Avec les Croisades, leur puissance et leur richesse s’accrurent considérablement attirant toujours plus de recrues venant des grandes familles nobles de toute l’Europe. Le rôle militaire de l’Ordre devint prépondérant et ce dernier devint le défenseur reconnu par le pape de la Chrétienté face à l’Islam.
En 1307, les Hospitaliers durent quitter la Palestine et s’établirent à Rhodes d’où ils furent chassés en 1522 par Soliman le Magnifique. Après quelques années d’errance, Charles Quint leur proposa en 1530 de s’installer à Malte. Ils durent repousser une nouvelle attaque des Ottomans en 1565, puis ils fortifièrent et embellirent l’île tout en continuant leur mission hospitalière.
Cette période d’expansion et de calme dura jusqu’au 10 juin 1798, quand Bonaparte en route vers l’Egypte s’empara de l’île. Il n’y resta que 5 jours mais ce fut suffisant pour instaurer de nombreuses réformes, abolir l’esclavage et confisquer les biens de l’Ordre. Les troupes françaises restèrent 2 ans avant d’être chassées par les Anglais qui en firent une colonie de la Couronne et une base navale stratégique dont l’importance décupla avec l’ouverture du canal de Suez.
Pendant la deuxième guerre mondiale, Malte devint le point névralgique du contrôle de la Méditerranée et subit d’intenses bombardements de la part des Italiens et des Allemands, le paroxysme étant atteint en 1942 avec un pilonnage intensif de l’île pendant 154 jours. Les Maltais furent sauvés in extremis par un convoi allié qui réussit à forcer le blocus allemand.
Malte devint indépendante dans le cadre du Commonwealth le 21 septembre 1964 et fut proclamée république indépendante en 1974 avant de rejoindre l’UE en 2004 et d’adopter l’euro en 2008.
Près de 450 000 habitants en font le pays le plus densément peuplé au monde.
La langue officielle est le maltais, une langue d’origine sémitique, produit de l’influence de ses multiples occupants, l’anglais étant la deuxième langue officielle.
Nous sommes revenus enchantés de ce voyage qui nous a fait découvrir cette île peu connue et chargée d’histoire. Une île qui surprend avec sa langue bizarre, la conduite à gauche, héritage de la domination britannique, les traces multiples laissées par ces inconnus qu’étaient pour nous les Chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem et l’omniprésence de la religion catholique que l’on perçoit non seulement par les innombrables et monumentales églises mais aussi par de nombreuses statues de la Vierge et des saints élevées un peu partout et la présence d’ornements religieux en céramique, peinture ou petite sculpture aux portes des maisons.
Malte est un pays tranquille où la criminalité est quasi inexistante et facile à vivre grâce à l’anglais, deuxième langue officielle du pays et à la monnaie qui est l’euro.
La conduite à gauche ne nous a pas posé de problème, mais nous avons toujours roulé prudemment d’autant que la circulation dans les nombreuses zones urbanisées est assez intense et les conducteurs maltais parfois surprenants.
Bien que l’île soit située bien plus au sud que Tunis, il a fait froid, phénomène aggravé par un violent vent glacé et nous n’avons jamais pu mettre les habits d’été que nous avions emmenés et avons été obligés de conserver les habits chauds prévus initialement pour les trajets aller et retour. Pourtant, malgré quelques nuages, le soleil a toujours été présent à l’exception d’une seule après-midi de pluie.
Nous avons beaucoup aimé La Valette, capitale de l’île, perchée sur un éperon rocheux et entourée par la mer d’un bleu profond, ses rues en pente bordées de magnifiques demeures en pierre dorée, de palais somptueux, d’églises à l’exubérante décoration baroque, ses fortifications colossales, les agréables jardins d’Upper Barracks qui offrent un panorama grandiose sur Great Harbour et les 3 Cités.
Nous avons visité beaucoup d’églises, la plus extraordinaire étant la co-cathédrale Saint Jean de La Valette, à l’ornementation d’une richesse inouïe, une merveille qui s’enorgueillit de posséder deux tableaux du grand Caravage. La cathédrale Saint Pierre et Saint Paul à Mdina, les églises de Mosta, Mġarr, Xewkija, Victoria, Nadur et Qala, la basilique de Ta Pinu, sont elles aussi remarquables à bien des égards.
Les plages de sable sont rares mais les côtes rocheuses sont très spectaculaires avec leurs falaises, leurs criques étroites et leurs grottes marines.
Quant à Gozo, c’est une île bien différente, au tempérament plus rural, où la nature est mieux préservée et où les quelques petites villes proposent elles aussi des merveilles à visiter. Nous y avons séjourné presque trois jours.
Le bref séjour sur Comino a été un enchantement grâce aux paysages fantastiques offerts par les côtes découpées, la tour de guet et la couleur extraordinaire de l’eau, en particulier dans le Lagon bleu.
Après cette indispensable introduction, il est temps de passer au récit de notre voyage.
Comme pour les voyages précédents, nous sommes allés prendre l’avion à Barcelone ce qui nous a permis de rendre visite à notre fils Matthieu dont nous avons découvert le nouvel appartement à Badalona, dans la banlieue nord de Barcelone.
J 1 - Jeudi 18 avril
Matthieu nous emmène à l’aéroport où l’enregistrement sur une borne automatique est maintenant la norme et nous arrivons à destination avec 20 mn d’avance sur l’horaire prévu.
Le chauffeur de taxi est bien là avec son panneau et nous conduit au logement où j’ai réservé dans Old Mint Street, une petite rue en pente de la vieille ville. Le lieu s’appelle Capital Inn.
La chambre serait bien s’il y avait une fenêtre. Mais elle est en sous-sol. L‘établissement étant complet, pas moyen d’arranger ça. Tant pis.
Le temps est assez beau, nuages et soleil se partageant le ciel mais la température est étonnamment fraîche à cause d’un vent froid qui prend les rues en enfilade.
Nous partons nous balader un peu au hasard dans la ville. Dans Melita Street, perpendiculaire à la nôtre, se trouve l’ambassade de France. On peut y voir aussi une belle série de gallariji, ces balcons fermés typiquement maltais, sorte de croisement entre les bow-windows anglais et les moucharabiehs arabes.
D’autres rues nous réservent quelques jolies images, tel ce balcon fleuri dans Merchant Street ou la tranquille animation de St John’s Street pourtant en pente assez raide.
La rue de la République est très animée, c’est le cœur de la ville. En la descendant, on passe sur la place Assedju l-Kbir où se dresse un monument en bronze commémorant la victoire sur les Ottomans lors du Grand Siège en 1565.
Plus loin, c’est la place de la République dominée par la Bibliothèque et ornée d’une belle statue de la reine Victoria. En face, une sorte de grand cadran solaire s’étire sur la façade du bâtiment. En lieu et place des heures, ce sont les signes du zodiaque qui sont indiqués. Je n’ai trouvé nulle part d’explication sur son fonctionnement et son utilité.
On arrive à la place du Palais, ensoleillée et animée par une fontaine un peu rachitique. On y trouve le monument élevé en souvenir de la journée du 7 juin 1919 quand les Maltais, mécontents de la hausse du coût de la vie, se soulevèrent contre les occupants britanniques. La manifestation tourna à l’émeute, la troupe tira sur la foule tuant 4 habitants, ce qui exacerba l’opposition des Maltais à l’occupation britannique et sa volonté d’indépendance. Mais ils durent attendre 1964 pour y accéder…
Les drapeaux maltais flottent au vent un peu partout.
Le drapeau maltais reprend les couleurs rouge et blanc des Hospitaliers de Jérusalem. La croix qui figure dans l’angle rappelle la George Cross, décoration britannique décernée à l’île de Malte en avril 1942 pour les actes de bravoure de sa population pendant la 2° guerre mondiale, ainsi qu’il est rappelé sur la plaque apposée sur la façade du Grand Palais.
La place est bordée par l’immense façade du Palais des Grands Maîtres où résidaient les Grands Maîtres de l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem.
Nous entrons le visiter. Une jolie cour intérieure nous accueille avec l’horloge des Maures indiquant les saisons et les phases de la lune.
A l’étage, l’impressionnant musée de l'armurerie possède une incroyable collection d’armures et d’armes anciennes.
Des couloirs somptueux mènent à la salle des ambassadeurs tendue de rouge et à l’immense salle du Conseil tendue de velours jaune. Certains de ces couloirs étaient à l’origine des loggias décorées de plantes en pots et d’œuvres d’art qui furent fermées ultérieurement par des fenêtres vitrées.
Le Palais du Grand Maître de l’Ordre devint celui du gouverneur britannique. Aujourd’hui c’est la résidence du Président de la République.
Autre haut lieu à ne pas rater, les jardins de Upper Barracks sont très agréables, ombragés par quelques grands arbres, bordés de deux élégantes arcades et ornés d’une grande statue de Lord Strickland qui fut premier ministre de Malte, d’un buste de Churchill un peu caché dans la végétation et d’une autre statue dite de Gavroches.
Mais le plus intéressant est l’immense panorama sur Great Harbour, le grand port, et les 3 Cités de l’autre côté de la baie qui, à cette heure-ci, sont éclairées par le soleil assez bas sur l’horizon.
En contrebas, sur une autre terrasse, s’alignent 8 canons qui forment "the saluting battery". Après avoir servi à la défense de la ville, ils restèrent en place pour être utilisés pour les cérémonies officielles. La Reine avait droit à 21 coups de canon, et la Marine britannique faisait tonner le canon tous les jours à midi pour que les bateaux arrivant dans le port mettent leurs horloges à l’heure. Cette tradition se perpétue encore aujourd’hui.
Nous continuons notre promenade qui nous mène à la grande place près de la porte de la ville dominée par la magnifique façade de l’immense auberge des chevaliers de Castille, Leon et Portugal. Elle fut construite en 1574 puis remaniée deux cents ans plus tard. Aujourd’hui, elle abrite les bureaux du Premier Ministre.
Ses canons et son somptueux décor sont parfaits pour les photos souvenir.
Près de là, deux petites églises se font face, N D de la Victoire et Sainte Catherine d’Italie. La première commémore la victoire de l’Ordre de Saint Jean sur les Ottomans en 1565, tandis que la deuxième, construite vers 1576, appartenait à l’auberge d’Italie et aux chevaliers italiens.
Un peu plus bas, une place est agrémentée d’une grande statue de Jean de La Valette, membre de la langue de Provence, capitaine général de la flotte de l’Ordre et grand maître de l’Ordre de St Jean de 1557 à 1568, qui dirigea les combats contre les Ottomans (le fameux Grand Siège) et remporta la victoire malgré leur infériorité numérique (9000 hommes dont 592 chevaliers contre 40 000 soldats turcs). C’est lui aussi qui décida de la construction de la ville qui porte son nom sur cette presqu’île plus facile à défendre que la précédente de l’autre côté du bras de mer.
Un peu plus loin, dans le prolongement de la rue de la République, nous passons la porte d’entrée de la ville qui a été reconstruite en un style résolument moderne et longeons le Parlement, un immeuble avant-gardiste monté sur pilotis et dont la façade hérissée de nombreuses protubérances calcaires, lui a valu le surnom de râpe à fromage. C’est l’œuvre de Renzo Piano connu pour avoir réalisé le Centre Pompidou à Paris.
Nous dînons en un lieu improbable, le Valette Band’s Club. Nous y sommes entrés par curiosité et avons ainsi découvert les lieux. Les band clubs (fanfares) sont une tradition maltaise bénéficiant d’un grand succès populaire et qui participent à toutes les fêtes religieuses. La compétition entre elles est intense. Chacune dispose d’un local, une sorte de club à l’anglaise où les habitués viennent régulièrement boire un verre, discuter avec leurs amis ou jouer aux cartes. Les deux plus célèbres sont le King’s Own Club et le Valette Band’s Club avec ses hauts plafonds, son décor assez solennel où les armoiries de Jean de La Valette trônent en bonne place ainsi qu’une statue du chevalier.
Nous y mangeons un ragoût de lapin, spécialité culinaire maltaise, dans cette agréable ambiance de club anglais à coté de gens qui jouent au billard, ou aux cartes.
J 2 La Valette - Vendredi 19 avril
La nuit dans notre cave s’est bien passée. On s’est habitué d’autant qu’à part cette absence de fenêtre, la chambre est agréable.Quelques gouttes d’eau tombent lorsque nous allons prendre notre petit-déjeuner à l’extérieur mais le ciel se dégage rapidement. Polaire ou parka de rigueur pour supporter le vent froid. On pensait avoir chaud, c’est raté.
Quant au petit-déjeuner pris au restaurant de l’hôtel La Falconeria voisin, il est excellent. Cher aussi bien sûr.
Nous voilà parés pour démarrer cette journée de visite. Nous commençons par la co-cathédrale St Jean.
Déjà, le terme de co-cathédrale mérite une explication : la vraie cathédrale, c’est-à-dire l’église où se trouve le siège de l’évêque, se trouve à Mdina, autrefois capitale de l’île. En 1816, il fut décidé que la cathédrale de Mdina garderait son titre et son évêque, avec une co-cathédrale à La Valette, nouvelle capitale du pays.
La co-cathédrale Saint Jean fut commandée et financée par le grand maître Jean de La Cassière en 1572 et fut construite de 1573 à 1577, soit 4 ans à peine, par les chevaliers de l’Ordre de St Jean de Jérusalem. L’oratoire et la sacristie furent ajoutés plus tard sous l’autorité de Alof de Wignacourt puis, en 1660, le grand maître Raphaël Cotoner décida de refaire la décoration intérieur afin de rivaliser avec les plus belles églises de Rome. Assez prétentieux, les chevaliers. Pour cela, il fit appel à l’Italien Mattia Preti qui choisit le style baroque, très en vogue à cette époque.
Tournée vers l’ouest, la façade encadrée de deux clochers est très sobre. Une horloge à trois cadrans indique l’heure, la date et le jour de la semaine. Le cadran horaire n’a pas d’aiguille des minutes, particularité assez courant à Malte.
Malgré l’heure matinale, l’église est déjà pleine de visiteurs. Le contraste avec la sobriété de l’extérieur est incroyable. Cette église est une pure merveille, entièrement dorée, décorée de sculptures en marbre ou en bronze, de tableaux, peintures et bas-reliefs. La voûte est entièrement peinte de tableaux représentant la vie de saint Jean-Baptiste, saint patron de l’Ordre. Réalisée par Mattia Preti qui y consacra 6 années, c’est un véritable chef-d’œuvre.
Près de l'entrée principale, se dresse l'imposant monument funéraire du Grand Maître Marc Antonio Zondareli, neveu du pape Alexandre VII.
Le pavement est extraordinaire, formé de la juxtaposition des 374 pierres tombales des principaux chevaliers de l’Ordre, en marqueterie de marbre très colorée. C’est magnifique. Chaque pierre porte un épitaphe en latin qui donne l’identité du défunt et décrit sa vie et ses réalisations.
Le chœur est grandiose, entouré de stalles dorées, rehaussé par une magnifique sculpture en marbre représentant le baptême de Jésus. Le maître autel composée de marbres rares et multicolores est surplombé par un baldaquin.
De chaque côté de la nef, s’alignent les chapelles réservées aux chevaliers. Ils se répartissaient selon leur langue et les chapelles respectent cette organisation. Se succèdent Castille, León, Portugal, Allemagne, Italie, France, Provence, Angleterre et Bavière, Auvergne, Aragon, toutes plus merveilleuses les unes que les autres.
La chapelle de langue allemande est décorée d’un magnifique retable décrivant l’adoration des mages.
Dans celle de Castille, León, Portugal, ce sont les monuments funéraires du grand maître Manoel de Vilhena en bronze et marbre vert et celui plus sobre du grand maître Pinto qui attirent le regard.
La chapelle de la langue de Provence renferme les mausolées de deux grands maîtres, de Paule et de Lascaris Castellar et est décorée d’un tableau de Guido Reni représentant l’archange Saint Michel encadré par quatre étonnantes colonnes torsadées.
Un escalier permet d’accéder à la crypte où se trouvent les monuments funéraires de plusieurs grands maîtres dont Philippe Villiers de l’Isle-Adam et Jean Parisot de La Valette.
Au fond à droite de la nef, se trouve l’oratoire qui était un espace où les chevaliers passaient leur dernière nuit de laïcs en méditation avant de prononcer les vœux qui en feraient des religieux.
A l’entrée, une grande croix est fixée au mur. Elle est attribuée à Polydore de Caravage, un homonyme du grand Michelangelo.
C’est dans cet oratoire que Caravage a peint son célèbre tableau "la décollation de Saint Jean-Baptiste", son œuvre la plus monumentale et la seule qu’il ait signée. Elle fut peinte sur place pendant le séjour du peintre à Malte et aurait été offerte en remerciement de son acceptation dans l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, un moyen pour lui d’échapper à la justice italienne qui le poursuivait pour meurtre.
Michelangelo Merisi naquit à Milan en 1571 puis sa famille quitta la ville où sévissait la peste pour se réfugier à Caravaggio, ce qui lui valut son surnom de Caravage. Il déménagea à Rome où il poursuivit son apprentissage mais acquit aussi une réputation d’homme violent et querelleur, souvent obligé de fuir les conséquences judiciaires de ses bagarres et duels. C’est à la suite du meurtre du fils d’une puissante famille romaine au cours d'un duel qu’il fut condamné à mort et dût s’enfuir. Son passage à Malte n’est que l’un des épisodes de sa longue cavale.
On accède ensuite à une pièce particulière où est conservé un autre tableau de Caravage, "Saint Jérôme". Ce saint qui vécut de 347 à 420 AD fit sa réputation comme expert et traducteur de la Bible. C’était un ascète qui se retira dans le désert pour méditer, ce qui accrut encore sa popularité.
Le tableau est typique du style qui fit le succès de Caravage, un usage intensif du clair-obscur où le sujet principal éclairé par un rayon de lumière contraste violemment avec l’ombre du décor environnant. Le tissu rouge qui recouvre les jambes du saint est la seule véritable touche de couleur du tableau. Certains experts ont noté l'étonnante ressemblance du saint avec Alof de Wignacourt, Grand Maître et surtout protecteur de Caravage.
Dans une pièce adjacente, un excellent montage audio-visuel décortique le grand tableau de l’oratoire. On peut aussi y voir un film sur la vie tumultueuse de Caravage.
Quand nous ressortons, totalement éblouis par ces merveilles, c’est déjà l’heure du déjeuner. Nous allons jusqu’au marché couvert, ancienne halle devenu lieu de gastronomie où nous n’avons que l’embarras du choix. Nous optons pour une pizza pour deux.
Notre faim apaisée, nous reprenons notre exploration. L’étape suivante est la Casa Rocca Piccola, une grande maison appartenant à la famille du marquis de Piro. On y découvre des pièces riches en couleurs et superbement meublées et décorées. Elle fut construite vers 1580 et est toujours habitée.
On traverse le vestibule décoré d’une magnifique maquette de voilier et d’une originale collection d’éventails.
Puis c’est le très beau salon rouge, la sala grande, et son étonnant cabinet chinois qui renferme une chapelle portative.
Dans la chapelle familiale, un des deux crucifix renfermerait un morceau de la vraie croix tandis qu’une vitrine présente une belle série de différents objets religieux.
La salle à manger d’hiver est toute tendue d'un beau bleu turquoise.
Dans le bureau, on peut admirer une magnifique collection de jeux d’échecs ainsi qu'une pendule à une seule aiguille, traditionnelle à Malte.
On traverse ensuite la chambre à coucher de l’aïeule Orsola avec son grand lit à baldaquin porte-bonheur, l’aïeule y ayant donné naissance à 9 enfants, puis la salle en porphyre qui doit son nom à la peinture des murs imitant cette pierre, avant d’arriver à la salle à manger d’été très lumineuse, dans laquelle la table est dressée avec ses chandeliers en argent, ses verres en cristal et ses assiettes en porcelaine.
Pour finir, on débouche dans le charmant jardin intérieur agrémenté d’une fontaine glougloutante dans laquelle vit la tortue Vulcan. Sur son perchoir un très beau perroquet aux couleurs chatoyantes et nommé Kiku est la vedette du lieu.
Dans ce jardin, se trouve l’escalier donnant accès à l’abri souterrain aménagé à partir de la citerne de la maison. D’étroits couloirs et escaliers mènent à la grande salle où s’abritait la famille et des voisins, pendant les terribles bombardements que l’île a subis en 1941 et 1942.
Tout en bas de la rue de la République, nous arrivons au fort St Elme qui termine la pointe de la presqu’île. D’énormes fortifications, de profonds fossés n’ont pas empêché les Ottomans de s’emparer du fort en 1565 lors du Grand Siège malgré la défense acharnée des Chevaliers.
Depuis les terrasses on bénéficie d’un immense panorama sur the Great Harbour et sur les 3 Cités de l’autre côté. A cause du vent violent, la mer est démontée et les vagues balaient la jetée de protection qui barre l’entrée de la rade.
On peut aussi y visiter un très intéressant musée de la guerre qui retrace l’histoire de La Valette et de l’île tout au long des conflits qui ont marqué son histoire, depuis les guerres puniques jusqu’à la 2° guerre mondiale avec de nombreuses pièces d’époque (armes, costumes, etc.) et des présentations animées très bien faites.
Nous quittons le fort bon derniers, poussés dehors par la surveillante et remontons vers le centre-ville en longeant les bords du Great Harbour où se serrent quelques cabanes de pêcheurs.
De l’autre côté, les façades des maisons de Vittoriosa et de Senglea, deux des fameuses 3 Cités, sont encore éclairées par le soleil.
Pendant notre marche, un énorme cargo vraquier quitte le port.
Nous remontons vers le centre-ville par la porte Victoria du nom de la célèbre reine d’Angleterre. La porte est surmontée des armoiries de la Grande Bretagne et de ses bien connues devises "Honni soit qui mal y pense" et "Dieu est mon droit".
Par la rue St John nous passons devant l’église des Franciscains où nous entrons jeter un coup d’œil. Revenus au centre, nous décidons de retourner dîner au Valette Band’s Club.
Ce vendredi soir, l’ambiance est différente, un DJ a installé son matériel et s’apprête à animer la soirée. Malgré le bruit et parce que la musique est bonne, nous y restons et terminons même la soirée en dansant sur d’excellents classiques de rock.
J 3 - La Valette - Samedi 20 avril
Un souci me tracassait depuis la veille qui m’a empêché de bien dormir. Etant donné mon âge, vont-ils accepter de me louer la voiture ? Dès le matin, je contacte la compagnie de location où j’ai réservé pour m’en assurer. Effectivement, ils me disent que ce n’est pas possible. Je décide d’aller à l’aéroport pour essayer de régler le problème.
Nous allons à l’entrée de la ville et prenons un bus.
"Sicily by Car" chez qui j’ai réservé avant de partir, me confirme ne pas pouvoir me louer l’auto prévue, car j’ai plus de 75 ans. Pour eux, plus de 75 ans commence à 75 plus un jour. Je tente ma chance à l’agence voisine qui accepte car pour eux, plus de 75 c’est 76.
Ouf ! Nous pouvons rentrer à La Valette et reprendre notre programme de visite. Demain, nous reviendrons à nouveau en bus pour récupérer notre voiture. Mais dans cette affaire, nous avons perdu la matinée.
Au retour, nous en profitons pour parcourir l’immense place de la fontaine aux tritons où arrivent tous les bus. Les réguliers du réseau de transport très dense de l’île et ceux transportant les nombreux touristes depuis les villes de la côte nord où se concentrent les grands ensembles hôteliers. La fontaine trône en plein milieu, hélas sans eau.
La place est aussi le point de départ des calèches qui vont promener les touristes dans les rues de la vieille ville.
C’est l’occasion de parcourir les formidables fortifications qui défendent la ville côté terre. Les remparts et les profonds fossés sont renforcés par deux énormes bastions surmontés de cavaliers, éléments plus élevés qui permettent de placer des pièces d’artillerie en hauteur, ce qui leur permet de tirer plus loin par-dessus le bastion.
Pendant qu’Hélène m’attend dans Upper Barracks Gardens, je vais visiter les abris souterrains creusés au 17° siècle pendant le règne du grand maître Lascaris. Ils furent ensuite agrandis et aménagés en Centre d’opérations par les Alliés au cours de la 2° guerre mondiale. C’est de là qu’était coordonnée la défense de l’île pendant les attaques allemandes et italiennes puis fut dirigée l’opération Husky, le débarquement allié en Sicile du 10 juillet 1943.
La salle d’opérations contient une vaste carte murale de la Sicile et dans le bureau du commandant en chef surplombant la salle, des mannequins représentent les commandants impliqués dans l’opération, soit, de la gauche vers la droite, le général Montgomery (UK) commandant la 8° Armée, le général Eisenhower (US), Supreme Allied Commander-in-Chief, le général Alexander (UK), Deputy CinC et Supreme Land Forces Commander, l’Air Marshall Tedder (UK) assis, Supreme Air Commander et l’amiral Cunningham (UK) en uniforme blanc, Supreme Naval Commander.
Le débarquement en Sicile commença dans la nuit du 9 juillet 1943 avec le largage de parachutistes et l'atterrissage de planeurs chargés d’infanterie derrière les lignes ennemies à partir de bases en Tunisie et en Algérie. Pendant les 3 jours suivants, plus de 3 000 navires débarquèrent 150 000 hommes sur les côtes du sud de la Sicile, appuyés par plus de 4 000 avions. Une opération encore plus importante que le débarquement de Normandie qui eut lieu un an plus tard.
À la fin de cette intéressante visite, je m'essouffle à remonter des escaliers sans fin pour rejoindre Hélène. Puis nous descendons ensemble au bord de l’eau par l’ascenseur qui démarre dans les Upper Barracks Gardens et embarquons dans une petite barque colorée en compagnie de 3 jeunes Espagnoles. Destination les 3 Cités qui se composent de Burgú devenue Victoriosa après le Grand Siège, Isla devenue Senglea et Bormla rebaptisée Cospicua.
Dix minutes plus tard nous débarquons à Burgú construite sur un promontoire de l’autre côté de Great Harbour, une petite ville très tranquille qui tranche par rapport à l’effervescence de La Valette. Nous sommes juste devant l’église Saint Laurent à la belle façade baroque.
Devant l’église, un monument commémore l’indépendance de l’île après les nombreuses années passées sous la domination britannique. Monument très symbolique de la passation de pouvoirs avec le drapeau maltais monté au mât et l’officier britannique serrant la main du représentant maltais.
Nous traversons la place de la Victoire et ses façades garnies de balcons et de gallariji.
Puis nous empruntons la rue Hilda Tabone où nous passons devant plusieurs auberges de chevaliers avant de redescendre au bord de l’eau.
Nous décidons de faire le tour du bras de mer pour aller voir Isla, l’autre cité qui s’étire elle aussi sur une pointe rocheuse. En longeant le quai, nous passons devant une œuvre d’art contemporain de Matthew Pandolfino représentant une barque traditionnelle maltaise, une dgħasa accrochée à un ballon dirigeable, un mélange de traditionnel et de science-fiction.
Tout au bout de la pointe, un petit jardin a été aménagé sur les remparts. Il se termine par une grande échauguette décorée d’un œil et d’une oreille symbolisant la vigilance indispensable à ceux qui y montait la garde. La vue sur La Valette est magnifique.
Isla est encore plus tranquille que Burgú. À part les quelques restaurants et bars alignés le long des quais, nous n’avons croisé personne dans les rues.
Notre promenade au bord de l'eau nous permet de profiter de quelques beaux points de vue sur le port d’Isla, sur Burgú et son musée maritime en face et sur Bormla et sa belle église de l'Immaculée Conception au fond du bras de mer.
Mon œil de passionné est attiré par une rutilante voiture américaine en parfait état. C’est une Chevrolet Bel Air Impala de 1958.
Elle est garée devant un garage qui restaure ces voitures anciennes et on peut y voir aussi une Ford Thunderbird et une Pontiac Bonneville de la même année, tout aussi bien restaurées.
Nous remarquons aussi que pratiquement toutes les maisons sont ornées d’un signe religieux à côté de la porte d’entrée, la Vierge et saint Joseph étant les plus fréquents. Visiblement, les Maltais sont très croyants et l’affichent clairement.
En revenant vers l’embarcadère, au fond du bras de mer, en longeant la ville de Bormla, nous passons près d’une animation musicale. Il y a beaucoup de monde pour écouter le chanteur sur la scène, des gens dansent, bref une bonne ambiance.
Nous y restons un moment avant de revenir reprendre une barque qui nous ramène à La Valette.
Nous apprenons qu’un feu d’artifice sera tiré le soir à partir d’une barge au milieu de Great Harbour. Après avoir dîné au Pizza Hut local, une valeur sûre, nous revenons aux Upper Barracks Gardens pour admirer le spectacle. Il y a foule pour regarder ce très beau déferlement de lumières, une tradition maltaise qui date de l’époque où les Chevaliers de Saint Jean fêtaient l’élection d’un grand maître ou d’un nouveau pape.
Retour chez nous pour notre dernière nuit à La Valette.
J 4 - Dimanche 21 avril
Nous marchons jusqu’à la place de la fontaine aux tritons pour prendre le bus pour l’aéroport.C’est le bus de la ligne X 4 qui nous emmène en une petite demi-heure à destination.
Étant venus la veille, nous savons où aller et ne perdons pas de temps. Les formalités sont rapides et nous quittons l’aéroport au volant d'une Hyundai i 10 blanche d’à peine 140 km pour le petit port de Marsaxlokk en roulant très prudemment pour s’habituer à la conduite à gauche. Arrivés à destination, nous nous garons au bord de la route à l’entrée du village car, en ce dimanche matin se tient le marché aux poissons, un évènement qui attire beaucoup de monde.
Les quais sont envahis d’étals : poissonniers, marchands de légumes, mais aussi vendeurs de T-shirts, de souvenirs divers et autres chinoiseries. Sur l’eau, les célèbres barques joyeusement colorées sont à l’ancre et forment un joli tableau malgré la centrale thermique en arrière-plan qu’il faut soigneusement éviter de mettre sur la photo. Dommage, le soleil n’est pas au rendez-vous ou si peu.
La plupart des barques sont décorées à l’avant d’un œil qui est censé porter bonheur.
Nous parcourons toute la longueur du quai, achetons du poulpe en salade en guise de déjeuner que nous mangeons au bord de l’eau et au soleil.
Nous allons ensuite à Wied-Iz-Żurrieq, petit hameau accroché au bord de l’eau d’où l’on démarre pour aller voir en barque les fameuses grottes bleues.
On descend au bord d’une étroite calanque pour embarquer dans les barques qui font la navette. Un excellent business pour les pêcheurs du lieu.
Grottes bleues au pluriel car il y a en fait 7 cavités dans lesquelles l’eau s’engouffre et où la barque nous emmène pour admirer l’extraordinaire bleu de l’eau. Ici aussi, dommage que le soleil n’ai pas été présent.
Sur la falaise, se dresse une tour de guet datant du temps des Chevaliers de Malte et qui continua à être utilisée pendant la 2° guerre mondiale. On peut voir aussi un bunker de la même époque, soigneusement camouflé.
À 5 km au large, l’îlot de Filfla a longtemps servi de cible pour la marine britannique mais est aujourd’hui une réserve naturelle. En 1343, une chapelle fut construite dans une grotte, dédiée à l’assomption de la Vierge, mais fut détruite lors d’un tremblement de terre en 1856.
Nous repartons de là un peu déçus . Il est vrai que les guides touristiques préconisent d’y venir le matin quand il fait soleil et que la mer est très calme. Mais tout de même.
Quelques kilomètres plus loin nous faisons un nouvel arrêt pour aller visiter les ruines de deux temples datant d’environ 3600 avant JC. D’énormes mégalithes ont été dressés pour former des cercles. Comme à Stonehenge, l’astronomie joue un grand rôle dans la disposition des lieux.
Le premier temple, Ħaġar Qim, est protégé sous de gigantesques toiles dessinées par un architecte suisse. On peut y voir d’énormes mégalithes dressées.
Le temple de Mnajdra se trouve 500 m plus loin, sur un replat dominant la mer. Lui aussi bénéficie de la même protection car, parait-il, le soleil abime assez rapidement la globigérine dont sont constitués les blocs de pierre.
La globigérine est un calcaire tendre, de couleur dorée, contenant de très nombreux fossiles que l’on trouve en abondance à la surface du sol dans la moitié est de l'île. Elle constitue la majeure partie du matériel de construction utilisé à Malte. Exposée à l'air, la pierre prend une couleur rosée ou beige, avec la formation d'une patine de protection. C’est cette pierre qui donne la ravissante couleur des bâtiments de La Valette et de toutes les autres villes.
Comme l’après-midi avance, nous décidons de rejoindre directement Rabat, petite ville tranquille à seulement 7 km, où se situe notre nouvel hébergement situé dans une impasse très calme. Nous sommes au premier étage, ce qui est bien plus agréable que la chambre sans fenêtre de La Valette.
Nous marchons vers le centre-ville pour trouver un restaurant où dîner et passons près de l’église consacrée à Saint Paul dont la belle façade donne sur la place de la paroisse.
Dans le jardin voisin, une stèle surmontée d’un serpent dressée rappelle l’épisode de l’arrivée de saint Paul à Malte et la morsure de la vipère qui contribua à sa réputation.
Ici aussi, les portes des maisons sont agrémentées de figures religieuses.
Au bout de la rue San Pawl, nous dînons au restaurant Ta’Doni recommandé par le Guide du Routard, recommandation justifiée.
Dès que le soleil a disparu, la température est rapidement tombée et la veste polaire n’est pas de trop. Quand je pense que nous sommes plus au sud que Tunis !J 5 - Lundi 22 avril
La température est toujours aussi basse, à cause de ce vent violent qui souffle du sud et amène de plus en plus de nuages bas. Avant toute chose, notre logement étant pourvu d’une cuisine, nous décidons d’acheter ce qu’il faut pour préparer nos repas pendant notre séjour ici et nous trouvons le nécessaire chez les petits commerçants locaux.Puis nous allons voir les sites de Rabat. En face l’église, le Wignacourt College Museum est installé dans l’ancien collège fondé par Alof de Wignacourt qui fut grand maître des Hospitaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem de 1547 à 1622.
Le musée présente une collection d’objets d’art et religieux légués par le grand maître lui-même.
C’est aussi le site de la grotte de Saint Paul où, selon la légende, l’apôtre aurait séjourné pendant les trois mois passés sur l’île à la suite du naufrage du bateau qui l’amenait à Rome pour être jugé comme rebelle politique. Bien que prisonnier, il aurait commencé à prêcher et à convertir la population. Plusieurs miracles furent rapportés dont la morsure d’une vipère sans aucun effet sur lui et la guérison du père de Publius, le gouverneur romain de l’île. La réputation de Saint Paul grandit au point de devenir le protecteur de Malte.
La grotte a bien évidemment beaucoup changé et a été aménagée pour accueillir les nombreux pèlerins qui viennent y prier.
Sur le même site, nous avons accès à l’abri souterrain qui pouvait accueillir près de 400 personnes pendant les bombardements de 1942 - 1943. Les souterrains de l’abri communiquent avec les anciennes catacombes datant probablement de l’époque romaine. On y circule par d’étroits couloirs taillés dans la roche calcaire qui relient des sortes d’alcôves où étaient entreposé les morts.
En ressortant à l’air libre, nous empruntons la rue Saint Pawl qui mène directement à la ville jumelle de Mdina.
La ville de Mdina (de l’arabe médina, la ville) est perchée sur un promontoire qui s’élève à 200 m d’altitude et domine toute l’île. Ne formant autrefois qu’une seule et même ville avec Rabat, le site était déjà occupé par les Grecs avant notre ère. Ce sont les Arabes qui, vers 870, coupèrent la ville en deux pour se concentrer sur la fortification de la partie haute. Elle fut prise en 1090 par le comte de Hauteville et redevint chrétienne. Au fil des siècles, elle resta la capitale de l’île et vécut une longue période faste où palais et édifices religieux furent construits dans le style si particulier des lieux. Ce n’est qu’après le Grand Siège en 1565 que les Chevaliers décidèrent de bâtir une nouvelle capitale sur la côte, La Valette. La ville fut gravement endommagée par le séisme de 1693 mais fut reconstruite et même embellie par le grand maître Manoel de Vilhena entre 1722 et 1736.
Nous y entrons par une porte latérale percée dans les remparts et qui permet d’apprécier l’épaisseur des murs qui doivent atteindre 10 à 12 m.
La rue L-Imhazen nous conduit à la place Tas-Sur d’où l’immense panorama sur le nord de l’île est grandiose.
Nous passons devant le palazzo Falca, belle maison baroque du 18° siècle, construite après le tremblement de terre. La maison passa entre plusieurs mains avant d’être achetée par les Sœurs de Sainte Dorothée qui en firent un collège pour filles.
Une ruelle étroite nous mène sur la grande place Saint Pawl dominée par la cathédrale.
La cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul fut achevée en 1702. Elle fut construite par Lorenzo Gafà sur les ruines de l’ancienne église romane détruite par le séisme de 1693. Ici aussi, une façade sobre agrémentée de deux clochers et ornée de deux horloges, l’une indiquant l’heure et l’autre faisant office de calendrier.
L’intérieur est très beau mais loin de l’exubérance de Saint Jean à La Valette. Les colonnes en marbre rouge soulignent les peintures de la voûte et l’ornementation des murs. Dans le chœur, une belle peinture de Mattia Preti représentant le naufrage de Saint Paul est en partie cachée par le baldaquin au-dessus de l’autel.
La chapelle du Saint Sépulcre se distingue par une magnifique icone du 14° siècle représentant la Vierge et l’enfant, mise en valeur par des encadrements en argent tandis que l’autel est en marbre et lapis-lazuli. Comme dans le reste de la cathédrale, le sol est constitué des pierres tombales polychromes des évêques.
En face, le séminaire construit entre 1733 et 1742 dans un pur style baroque a laissé la place à un splendide musée. Sur la façade, deux atlantes supportent le grand balcon central. Au-dessus de la porte surmontée d’une statue de Saint Paul, on peut voir les armoiries du grand maître Manoel de Vilhena et de Monseigneur de Bussan, archevêque de Malte qui fit construire le bâtiment.
Ce bâtiment est un vrai palais où sont présentées des merveilles. Dès l'entrée, on est accueilli par cette somptueuse série de statuettes en argent représentant les 12 apôtres.
J'ai aussi aimé ces deux modestes tableaux de Mattia Preti, "Moquerie du Christ" et "Ecce Homo".
Le retour se fait par la rue Villegaignon où nous remarquons d’autres figurines religieuses aux portes des maisons.
C’est la rue principale qui nous ramène à la porte principale qui date de 1724.
À l’extérieur, l’accès à la porte se faisait par un pont-levis enjambant les profondes douves qui, bien évidemment, n’étaient pas prévues pour recevoir de l’eau, une denrée rare sur l’île.
Nous retournons à Rabat récupérer la voiture pour aller à Mosta, la ville voisine qui se pare d’une église un peu excentrique financée par deux frères maltais émigrés aux USA.
Cette église est surnommée la Rotunda à cause de son énorme dôme qui serait, dit-on, le 4° plus grand dôme du monde. En tout cas, sa silhouette caractéristique se voit de loin.
Le dôme mesure 36 m de diamètre et 60 m de hauteur. Il fut construit entre 1833 et 1860 avec la participation de toute la population. C’est un architecte français qui a dessiné l’imposant édifice en s’inspirant du Panthéon de Rome.
Le vaste intérieur est lumineux et agréablement décoré.
Bien sûr, on ne peut éviter de lever les yeux pour admirer la magnifique coupole décorée de spirales de losanges bleus et or. L’un de ces losanges est manquant. Cela est dû à la réparation hâtive du trou laissé par la bombe allemande tombée le 9 avril 1942, qui traversa la coupole et tomba dans l’église sans exploser. On cria évidemment au miracle.
Dans l’une des sacristies, a été aménagé un petit musée où l’on peut voir une réplique de la fameuse bombe.
Un escalier en colimaçon permet de grimper jusqu’à un balcon qui fait le tour de l’église un peu en dessous de la coupole. De là, la vue plongeante sur la nef en contrebas est magnifique.
J’ai aimé ces deux vitraux exposés dans la nef.
Celui de gauche représente la victoire de Constantin le Grand sur Maxentius à la bataille du pont de Milvia en 321 après JC, ce qui lui permit de devenir empereur du monde romain d’occident. La nuit avant la bataille, Constantin aurait vu dans le ciel une croix lumineuse entourée des mots "In hoc signo vinces" (par ce signe tu vaincras) et aurait rêvé que le Christ lui-même lui apparaissait. Il fit alors peindre une croix sur les boucliers de ses soldats et attribua sa victoire au Dieu des Chrétiens.
Celui de droite représente la bataille navale de Lépante (l’actuel golfe de Corinthe) en 1571 au cours de laquelle la flotte vénitienne vainquit la flotte ottomane grâce à l’intervention de la Vierge Marie, les Vénitiens ayant récité le rosaire pendant les combats.
Les deux vitraux ont été fabriqués en France et furent placés dans la chapelle de Notre Dame du Rosaire jusqu’à la fin de la 2° guerre mondiale.
En quittant la ville pour remonter vers le nord, nous pouvons admirer la citadelle de Mdina depuis la route en contrebas. Une vue magnifique.
Puis nous filons jusqu’aux falaises de Dingli qui forment une partie de la côte sud-ouest. Avec environ 250 m de hauteur, elles sont le point culminant de l’île. Elles ne tombent pas directement dans la mer mais forment un étage intermédiaire parsemé de parcelles cultivées. L’îlot de Filfla est à peine visible tant la brume est importante. Le vent souffle en rafales et il vaut mieux éviter de s’approcher trop près du bord.
Nous rentrons nous mettre à l’abri chez nous et préparons notre repas du soir avec ce que nous avons acheté le matin.
J 6 - Mardi 23 avril
Bonne surprise au réveil, le soleil est revenu accompagné de son grand ciel bleu. Mais il fait toujours aussi froid. Avant de quitter Rabat, nous allons voir le cimetière local Santa Margerita.
Il y a des tombes comme chez nous mais nous découvrons aussi de simples plaques posées sur le sol, côte à côte. Renseignement pris, ce sont des tombes collectives où les gens sont enterrés ensemble car il n’y a plus de place dans le cimetière.
Nous prenons ensuite la direction de la petite ville de Mġarr, à 7 ou 8 kilomètres au nord. Nous empruntons une route étroite à travers une campagne bien verte et cultivée. Elle franchit un vallon où l’eau n’a pas l’air de couler.
Parmi les végétaux qui poussent au bord des champs, nous découvrons cette plante presque rampante dont les tiges portent de petites boules vertes et de jolies fleurs. Renseignement pris, il s’agit de câpriers, une plante qui s’accommode fort bien des sols pauvres et caillouteux, très répandus à Malte.
Plus loin, elle escalade une ligne de collines qu’elle franchit par la trouée de Bingemma. Sur cette ligne de crête s’étirent les Victoria Lines, un système défensif aussi appelée North West Front conçue par les Anglais à la fin du 19° siècle pour arrêter d’éventuelles forces ennemies débarquées au nord de l’île et les empêcher d’atteindre les installations portuaires de La Valette, vitales pour la Royal Navy.
Depuis la petite chapelle qui se dresse là, on peut encore voir des restes de fortifications.
De l’autre côté, la route redescend dans la large plaine où est construite Mġarr. On ne peut pas manquer le dôme argentée de Egg Church, l’église paroissiale, tandis que les falaises de Gozo barrent l'horizon.
De près, l’église est majestueuse avec son portique classique et son fronton, et la couleur miel de la pierre, la fameuse globigérine.
Elle est malheureusement fermée.
Juste en face, le café restaurant Il-Barri est la porte d’entrée d’un incroyable réseau d’abris souterrains où se réfugiait la population lors des alertes aériennes. Ces souterrains ont été retrouvés par hasard lorsque le propriétaire de l’établissement a réalisé des travaux dans son sous-sol.
Les escaliers descendent à 12 m sous terre et mènent à un long couloir qui dessert des cellules où vivaient les habitants pendant les alertes. Les gens qui creusèrent ces souterrains étaient payés 1 shilling par jour. Les familles riches donnaient 1 shilling de plus pour qu'on leur creuse une pièce où ils pourraient s'abriter avec un peu plus d'intimité. La vie y est reconstituée avec des mannequins, des meubles et divers objets qui permettent de se faire une toute petite idée des conditions de vie. Il faut imaginer les couloirs encombrés de matelas et des gens qui ne bénéficiaient pas d'une pièce, l'obscurité car on ne s'éclairait qu'à la lampe à huile, le taux d’humidité de plus de 95 % et surtout la peur. Quand ils descendaient dans ces abris, les gens ne savaient pas combien de temps ils allaient y rester. La nuit seulement ou deux ou trois jours ?
On y trouve aussi une petite chapelle et une infirmerie très rustique.
Pour nous remettre de cet épisode souterrain, nous descendons ensuite sur la côte à Gnejna Bay, une plage de sable coincée entre les falaises. Des garages à bateaux s’alignent sur le côté le plus protégé de la baie.
Nous grimpons jusqu’à la tour perchée sur la falaise par un sentier escarpé.
De là-haut, la vue sur la baie est magnifique. A cause du vent violent, les vagues déferlent sur la plage. Pas question de se baigner d’autant que la température de l’eau doit être bien basse.
Nous longeons la falaise jusqu’à la baie suivante, plus petite et mieux protégée. Deux courageux sont dans l’eau mais les quelques autres promeneurs sont regroupés à l’abri des rochers.
Nous revenons à la plage initiale par le sentier du bas et déjeunons d’un savoureux ftira, sorte de pan bagnat garni de bacon, omelette, tomate et oignon.
Nous allons ensuite à Mellieħa, une ville toute blanche construite sur un mouvement de terrain dominant la baie du même nom. L’attraction du lieu, c’est l’église paroissiale qui trône au sommet de la colline. Une longue place permet d’admirer sa façade en entier.
Juste en dessous, au bas d’une série d’escaliers, se cache le sanctuaire Notre Dame. Au-dessus de l’abside, une fresque représentant la Vierge portant Jésus a été peinte à même la roche. D’après la légende, elle aurait été peinte par saint Luc, ce qui fait du lieu un endroit très vénéré. Même le pape Jean-Paul II vint s’y recueillir en 1990.
Une longue volée d’escaliers descend dans un profond vallon jusqu’à la grotte de la Vierge où une eau soi-disant miraculeuse pour soigner les enfants, ne coule que goutte à goutte du plafond. De nombreux ex-voto, des habits de bébé, des lettres de remerciements parfois juste griffonnées sur un bout de papier tapissent les murs. Un endroit calme, silencieux et émouvant.
À l’est de la ville, la balade vers Selmun Palace et Fort Campbell est décevante. Le palais construit par les chevaliers en 1783 n’a servi que de résidence d’été et de rendez-vous de chasse. Il a pris quelques coups pendant la 2° guerre mondiale et est maintenant fermé. Quant au Fort Campbell construit par les Anglais en 1937 et 1938, il est complètement en ruine. Seule la vue sur l’immense ville touristique de Buġibba de l’autre côté de la baie vaut le coup d’œil.
Malgré le manque d’eau qui pénalise l’île, on trouve un peu partout des espaces cultivés. En général, de petites parcelles où poussent des céréales. Ces terrasses se trouvent sur le versant du mouvement de terrain de Mafta Ridge, en contrebas de Selmun Palace.
Nous descendons jusqu’au bas de l’isthme au pied de la ville, bordé par la grande plage de Mellieħa Bay, l’une des très rares plage de sable de l’île, un must en été où, paraît-il, il est difficile de trouver un emplacement pour poser sa serviette. Sur la crête en face, Mafta Ridge, on ne peut pas manquer la silhouette particulière de la Tour Rouge.
La tour rouge fut construite par les Chevaliers de St Jean en 1649. Elle avait pour mission de surveiller tout particulièrement la baie de Mellieħa, propice à un débarquement, les Chevaliers craignant une nouvelle invasion des Ottomans ou des pirates barbaresques.
On y bénéficie d’un magnifique panorama vers Mellieħa au sud-est et vers les deux îles de Gozo et Comino au nord-ouest. Elle était effectivement judicieusement placée pour remplir sa mission.
Nous allons ensuite jusqu’à l’extrémité de la chaine de colline. Au bord des falaises, en un lieu désert, a été construite une petite chapelle dédiée à la Madone. La chapelle originelle étant partie avec le pan de falaise qui s’est écroulée dans la mer, la nouvelle plus moderne a été prudemment reconstruite plus en arrière.
Au pied de la falaise, les vagues se jettent sans fin à l’assaut des rochers, créant des tourbillons aux magnifiques couleurs.
Nous revenons "chez nous" à Rabat par la route principale, ce qui nous permet d’admirer à nouveau la silhouette de Mdina éclairée par le soleil.
Nous dînons chez nous grâce aux provisions achetées, ce qui nous évite de ressortir dans le froid qui n’a pas faibli.
J 7 - Mercredi 24 avril
La météo annonce un temps maussade pour aujourd’hui avec de la pluie à partir de midi pour toute l’après-midi. Nous quittons Rabat pour rejoindre Cirkewwa par l’itinéraire déjà emprunté hier, passant en bordure de Mellieħa et près de la Tour Rouge et continuons jusqu’à la pointe nord de l’île, port d’embarquement vers Gozo. Nous embarquons directement sans attendre et sans payer dans le ferry. Sans payer ? Bizarre. En fait, je m'apercevrai que l'on paye en embarquant pour le trajet retour.
Quatre navires assurent la traversée et nous en croisons deux pendant notre trajet qui dure à peine 20 minutes. Nous longeons aussi l’île de Comino et sa grande tour de guet.
Le bateau arrive à Mġarr, homonyme de la ville de Malte.
Petit port coincé dans une baie protégée des vents du nord, le seul point intéressant est l’église Notre-Dame de Lourdes accrochée au rebord du plateau au-dessus du port. Du parvis, le panorama sur le port en contrebas est vaste.
L'église est fermée. Du coup, on ne peut apprécier son architecture gothique que de loin.
Nous allons à Nadur, petite ville construite sur un haut plateau qui domine toute l’île, d’où son nom qui, en arabe, signifie vigie ou observatoire. On se perd un peu dans les rues avant de trouver l’église St Pierre et St Paul avec sa façade baroque et sa coupole blanche. Il faut dire que la signalisation est assez sommaire avec très peu de panneaux indicateurs dès que l’on quitte l’axe principal.
L’intérieur est surprenant. Les murs couverts d’un magnifique marbre multicolore sont surchargés de dorures et de statues. Elle est sombre mais on peut néanmoins distinguer les fresques qui ornent les voutes et surtout une originale chaire portée par une sculpture représentant Adam et Eve au paradis sur le point de croquer la pomme fatale, surveillés par le serpent représentant le Diable qui me rappelle irrésistiblement celui du dessin animé "le Livre de la Jungle" de Walt Disney.
Au nord de la ville, on peut aller voir deux jolies criques, San Blas Bay et Ramla Bay.
Nous descendons à pied à la première par un large chemin particulièrement raide entre de petites parcelles en terrasses bordées de cactus et protégées du vent par des haies de roseaux. Citronniers, champs de fèves, grenadiers, vignes et autres cultures maraîchères se succèdent.
La crique a un certain charme car le site est pittoresque mais il n’y a pas vraiment de plage, que des cailloux et des rochers. Le vent étant tombé, la mer est bien plus calme qu’hier.
C’est au cours de notre lente remontée que les premières gouttes commencent à tomber et il pleut sérieusement en arrivant à Ramla Bay où nous ne nous attardons pas bien que la plage soit plus grande et plus belle avec un magnifique sable orange et ornée d’une statue de la Vierge qui doit se demander ce qu’elle fait là. Sur l’éperon rocheux qui domine le vallon, est censé se trouver une grotte où, selon le récit de l’Odyssée par Homère, vivait la nymphe Calypso qui recueillit Ulysse et qui, étant tombée amoureuse de lui, le retint pendant 7 ans avant de le laisser partir sur ordre exprès de Zeus. Mais la pluie battante nous dissuade d’aller profiter du paysage, la grotte ne se visitant pas, et pour cause.
Le tourisme sous la pluie n’étant pas très agréable, nous décidons de rejoindre la petit ville de Qala où se trouve l’hébergement que j’ai réservé, tout à côté de l’église Saint Joseph, cœur du village.
La pluie ne faiblit pas et continue de tomber jusqu’au soir. Nous nous installons dans l’hébergement que j’avais réservé. Une grande pièce au rez-de-chaussée d’une imposante maison de pierre bien arrangé. Nous bénéficions d’une grande cuisine américaine qui, bien que pas très bien équipée, nous permettra de préparer nos repas du soir.
Nous partons sous la pluie à la recherche d’une épicerie où faire nos courses. Tout à côté, cet intéressant panneau nous a bien plu.
Nous en profitons pour aller voir l’église Saint Joseph qui se dresse sur la place. Au moins nous y serons au sec et il fera meilleur. Une messe va bientôt commencer et nous restons pendant l’office assis sur un banc vers le fond de l’église, bien au sec. À part nous, seulement 7 ou 8 personnes assistent à la messe et vont communier. Les irréductibles du lieu.
La température a bien chuté et nous décidons d’aller dîner au restaurant voisin que nous a recommandé notre hôte. Un excellent repas pour lequel il a fallu patienter une heure.
Il fait froid dans l’appartement car le chauffage ne fonctionne pas.
J 8 - Jeudi 25 avril
Le beau temps est revenu même si le ciel n’est pas complètement bleu mais le froid est toujours aussi vif. L’église a bien meilleure allure sous le soleil.
Nous commençons par Victoria, la capitale. La ville s’appelle normalement Rabat mais elle adopta ce nouveau nom en l’honneur des 60 ans de règne de la reine Victoria. Les habitants utilisent l’un et l’autre indifféremment.
La ville est très animée et les rues sont encombrées par une intense circulation. Elle est dominée par la citadelle, cernée d’épais remparts. Nous entrons par la porte principale qui donne directement sur l’esplanade dominée par la cathédrale Notre Dame de l’Assomption.
Cette cathédrale fut construite entre 1697 et 1711 sur les ruines de l’ancienne église détruite par le grand séisme. La façade est simple mais élégante.
À l’intérieur, on est surpris par la couleur rouge des rideaux et des piliers. Le plafond peint de fresques est magnifique mais les dômes ne sont que des peintures en trompe-l’œil.
Parmi les détails remarquables, les deux baptistères en onyx qui encadrent l’entrée et deux statues, le Christ portant sa croix et la Vierge levant les bras au ciel sur un piédestal en argent, qui sont portés en procession le 15 août.
Heureusement pour les porteurs, les statues sont en papier mâché, donc légères !
On remarque aussi les magnifiques lustres en cristal, la lanterne en argent et un beau tableau de l’Assomption placé derrière l’autel où la couronne de la Vierge est plaquée or.
À droite de l’autel, des reliques sont conservées dans une vitrine. Il s’agit des restes un peu macabre de sainte Ursule, patronne de Gozo.
Comme dans les autres églises, le sol est constitué des dalles mortuaires en marbre multicolores des prêtres et évêques.
Nous passons voir l’ancienne prison où étaient enfermés les Chevaliers ayant commis des délits. Une prison pour privilégiés en fait où les prisonniers bénéficiaient d’une cellule individuelle et d’un traitement particulier concernant la nourriture, l’hygiène et le suivi médical.
Sur les murs en globigérine, cette belle pierre bien tendre, quelques graffitis ont résisté aux années.
Nous allons ensuite faire le tour des remparts qui offrent de magnifiques panoramas sur l’ensemble de l’île.
Nous redescendons dans la ville basse et nous enfonçons dans un dédale de petites rues où les magasins de souvenirs et d’artisanat sont légion et débouchons face à l’église Saint Georges. Nous n’avions pas vraiment envie d’y entrer car nous en avons déjà visité beaucoup, mais finalement on ne le regrette pas car elle est intéressante bien qu’assez surchargée en décoration. On y trouve des toiles de Mattia Preti, un monumental baldaquin coiffant l’autel et des dorures à foison.
Autre incontournable de Gozo, les temples néolithiques de Ggantija, en bordure du gros village de Xagħra. Nous sommes accueillis par un beau moulin à vent. Il y en avait beaucoup autrefois sur l’île mais la plupart sont maintenant en ruine, en mauvais état ou simplement amputés de leurs ailes.
Le musée qui précède le site présente des objets retrouvés au cours des fouilles. Les plus étonnants sont ces statuettes de femmes bien rondes qui font penser aux sculptures de Botero.
Ces temples datent de 3600 et 3200 avant JC et sont renforcés par des échafaudages. De proportions impressionnantes, ils sont constitués d’énormes monolithes. D’ailleurs les habitants croyaient qu’il s’agissait des ruines d’une tour construite par des géants, d’où le nom du lieu qui signifie géante.
Avec ce beau temps, nous allons jusqu’au site de la grotte de Calypso sur l’éperon rocheux qui domine la belle plage de Ramla où nous étions la veille quand la pluie a commencé de tomber. La grotte est fermée et seul le panorama est intéressant. Un car de touristes coréennes est arrivé en même temps que nous. Elles mitraillent à tout va en posant devant le paysage.
C’est là que nous déjeunons d’un ftira un peu moins bon que celui de l’avant-veille, face à la mer.
L’étape suivante est le site des marais salants de Qbaijar près de la station balnéaire de Marsalforn, constituée d’un amoncellement d’immeubles tout le long d’une côte où il n’y a même pas de plage. Un endroit à éviter.
Les marais salants sont une curiosité car ils sont installés sur une plateforme rocheuse à un mètre au-dessus du niveau de la mer. Certaines de ces salines remonteraient à l’époque romaine et elles sont toujours exploitées par un saunier unique et solitaire. De petits bassins bordés de pierres retiennent l’eau et forment un joli ensemble très pittoresque.
Nous remontons sur le plateau central et roulons vers le sud en passant par Zebbuġ et Ghasri pour arriver à l’étonnante basilique de Ta-Pinu, plantée toute seule au milieu de la campagne. Éclairée par le soleil, la couleur miel doré de la globigérine n’en est que plus belle.
En 1883, une paysanne du village voisin entendit la voix de la Vierge provenir de la petite chapelle qui existait à l’époque et l’année suivante, Gozo fut miraculeusement épargnée par la peste. La population crut immédiatement en l’intervention divine et, en 1920, ils entreprirent sur le site la construction d’une grande église qui fut consacrée en 1932 par le pape Pie XI et reçut la visite des papes Jean-Paul II et Benoit XVI. Un endroit religieusement très important.
L’intérieur très lumineux est très épuré. Une toile placée derrière l’autel est considérée comme miraculeuse et reçoit les prières des nombreux Gozitains venus en pèlerinage.
La chaire toute en marbre et soutenue par 4 colonnes de marbre coloré est assez exceptionnelle.
Tout comme la galerie où sont regroupés tous les ex-voto déposés par les familles dont les vœux ont été exaucés.
Sur l’immense parvis, de magnifiques fresques en céramique racontent la vie de Jésus.
Du petit village voisin de Gharb, je marche jusqu’à la petite chapelle de Saint Dimitri, complètement isolée dans la campagne. Tout autour, murets de pierre, champs moissonnés, cultures de fèves ou de pommes de terre.
Au loin, sur la colline voisine, le phare de Gordan domine le paysage.
Revenu par un chemin différent, je passe près de carrières où est extraite la globigérine. La pierre est taillée verticalement et sans doute découpée en bloc car on voit sur la paroi des fentes rectilignes qui pourraient être des traits de scie.
Nous continuons vers l’est pour arriver à Dwejra, un site naturel original préservé de la fièvre bâtisseuse qui a enlaidi tant d’autres endroits. Une côte sauvage, rocheuse, des falaises et, au débouché du Weid Ilma, un vallon asséché, une étonnante "mer intérieure", sorte de lac relié à la pleine mer par un tunnel d’une soixantaine de mètres sous la falaise bordant le côté nord. Sur la petite plage à l’opposé, quelques cabanes de pêcheurs et, bien sûr, près de la route, buvettes et restaurants.
Côté pleine mer, la côte rocheuse reçoit de plein fouet l’assaut des vagues.
Sur la colline, se dresse ici aussi une tour de guet, la tour Qawra, construite par les Chevaliers en 1652 sous le règne du grand maître Lascaris. Elle domine tout le paysage dont la magnifique Dwejra Bay, une anse parfaite creusée dans les falaises qui enserrent l’eau d’un bleu profond.
C’est là qu’on pouvait admirer l’Azur Window, une arche rocheuse naturelle qui s’est effondrée en mars 2017 sous l’assaut des vagues. La baie est presque fermée par un gros îlot rocheux appelé fungus rock. En effet, une plante rare que l’on prenait pour un champignon et à qui l’on prêtait des vertus médicinales, poussait sur ce rocher. Pour préserver ce trésor, les Chevaliers interdirent l’accès à l’îlot et creusèrent la roche pour empêcher les éventuels voleurs d’y grimper. Seul un ramasseur officiel avait le droit d’y aller. L’exclusivité de la vente de cette plante était réservée au grand maître qui la fournissait à prix d’or aux souverains d’Europe.
Aujourd’hui, on sait que cette plante, le cynomorium écarlate, n’a aucun pouvoir médicinal !
Il est pratiquement 19h et il faut penser à rentrer d’autant que notre hébergement se trouve à l’autre bout de l’île, ce qui ne représente malgré tout que 8 ou 9 kilomètres. À la sortie de Victoria que nous avons dû traverser, nous faisons nos course dans un supermarché Lidl. À la sortie, 5 ou 6 chats roux attendent les clients pour quémander de la nourriture. Des habitués visiblement.
J 9 - Vendredi 26 avril
Le soleil est à nouveau présent et la température est quelque peu remontée mais pas au point de se promener en T-shirt.Nous descendons à Mġarr pour prendre un bateau et aller sur l’île de Comino.
Par inadvertance, j’avais garé la voiture en un endroit interdit. Un local s’est arrêté pour me prévenir et m’a guidé jusqu’à un parking près du port puis il nous a embarqué dans son pick-up pour nous emmener à l’embarquement des bateaux faisant la navette vers l’île. Il n’était pas simplement un bon samaritain car il possédait lui-même un bateau et nous y avons embarqué en compagnie de quelques autres touristes dont une charmante jeune femme aux jolis ongles.
Dès que le bateau a été plein il a piqué plein gaz à travers le chenal, rebondissant de vague en vague.
Il nous a débarqué directement au Blue Lagon, un endroit magnifique, entouré de rochers et où l’eau est d’un incroyable bleu émeraude, tranchant avec le bleu profond de la mer.
Il y a beaucoup de monde car, au fur et à mesure que la matinée avance, de nombreux bateaux viennent s'amarrer là en plus des navettes. Sur les hauteurs, sont installés vendeurs de souvenirs, buvettes et snacks ainsi que des stands proposant balades en jet-skis et autres activités touristiques.
On s’éloigne immédiatement par un sentier qui s’insinue entre rochers arides et buissons de plantes endémiques en longeant la côte incroyablement déchiquetée.
Le rocher calcaire est très tendre et la mer n’a eu aucune peine à y creuser des grottes un peu partout.
Nous marchons jusqu’à la tour Sainte Marie plantée en haut d’imposantes falaises.
Elle fut construite en 1618 pour défendre l’île car les navires circulant entre Malte et Gozo étaient souvent attaqués par des pirates dissimulés dans les criques de Comino. Elle servait en même temps de lien de communication entre les deux îles en cas d’attaque de Gozo. Elle est bien plus grosse que la plupart des autres tours et disposait de canons et d’une garnison de plus de 60 hommes.
On y jouit d’un extraordinaire panorama sur le Blue Lagon, sur la côte sud de Gozo et l’extrémité de Malte.
Nous renonçons à faire le tour de l’île à pied et préférons rentrer vers midi et consacrer l’après-midi à aller voir ce que nous n’avons pu faire lors de l’après-midi pluvieuse. La même barque nous reprend et nous emmène voir de près quelques-unes des grottes qui rongent la falaise.
Puis c’est une nouvelle traversée plein gaz du chenal.
Nous déjeunons d’un sandwich lors d’une pause en pleine campagne, au milieu des murettes de pierre et des champs avant d’aller voir à Xewkija l’étonnante coupole de l'église qui domine tout le paysage alentour.
L’église dédiée à saint Jean-Baptiste a été construite entre 1951 et 1971 sur un site mégalithique et se caractérise par un dôme de 75 m de haut et 25 de diamètre et une façade néo baroque.
En revanche, l’intérieur très sobre est assez décevant, seuls le magnifique sol en marbre polychrome, le pupitre et l’autel en marbre blanc étincelant méritent l’attention.
Les femmes du village gèrent l’église dont l’ascenseur qui permet de monter, moyennant finance, sur les terrasses d’où le panorama sur l’ensemble de l’île est magnifique. La vue sur la citadelle de Victoria est saisissante.
Ce qui permet aussi de constater que toutes les maisons sont équipées de panneaux solaires et d’un réservoir d’eau qui se chauffe au soleil sur le toit.
Nous filons ensuite à Xlendi Bay, un ancien village de pêcheurs niché au fond d’une étroite calanque et devenu aujourd’hui une station balnéaire où les immeubles ont poussé malgré la présence de falaises des deux côtés de l’étroit vallon.
Une promenade piétonne aménagée sur la rive gauche mène à une tour de garde construite à l’entrée de l’étroit bras de mer sur le cap Ras II Bajda.
Au pied de la tour, les bassins carrés d’un ancien marais salant forment un excellent premier plan au hautes falaises de l’autre côté.
Comme il faut bien repasser par Xewkija, nous en profitons pour aller voir le cimetière Santa Marija, typiquement maltais avec ses tombes en marbre noir ou blanc. Pas d’autre couleur à part les bouquets de fleurs et les photos des défunts apposées sur les dalles. On remarque aussi que beaucoup de tombes sont ornées de la même statue de Piéta provenant probablement du même fournisseur.
La dernière visite est pour les falaises de Ta Cenc, des murailles de 140 m de haut absolument verticales plongeant dans la mer qui, inlassablement, en sape la base. Pour les atteindre, il faut traverser une lande pelée où les figuiers de Barbarie poussent comme du chiendent.
Tout à côté, nous descendons par une route étroite à la calanque de Mġarr Ix-Xini, où la mer vient lécher une minuscule plage de gravier. À l’entrée de l’étroit bras de mer, encore une tour qui veillait autrefois sur la sécurité des lieux, la calanque étant utilisée pour la réparation des galères endommagées à l’époque des Chevaliers.
J 10 - Samedi 27 avril
Le soleil est toujours là et la température toujours aussi fraîche.Nous quittons sans regret le petit appartement où nous logions à Qala.
Nous prenons notre temps pour rentrer à Malte car notre vol vers Barcelone n’est qu’à 15h10. À Mġarr, nous embarquons tout de suite dans le ferry. Et cette fois-ci nous payons les 16 € du prix de l'aller-retour.
Et regardons s’éloigner l’île de Gozo avant de nous tourner résolument vers Malte qui se rapproche lentement.
Demi-heure plus tard nous débarquons à Cirkewwa et roulons sans nous presser pour rejoindre l’aéroport à trente petits kilomètres seulement.
Peu après Mellieħa, nous faisons une petite halte sur la route de Manikata pour marcher jusqu’à l’une des innombrables tours de guet qui ceinturent l’île. Celle-ci c’est Ghain Znuber.
Le chemin qui y mène est bordé d’un grand nombre de petits panneaux "Private" et "No entry" peints à la main. Pourtant, de chaque côté du chemin ne s’étendent que des terrains vagues où ne pousse qu’une sorte de garrigue pelée.
Nous y découvrons une jolie orchidée solitaire qui est une ophris pyramidalis d’après notre ami Jean-Pierre, spécialiste de cette fleur.
Le retour
La suite est sans problème. Arrivée à l’aéroport, restitution de la voiture, vol retour vers Barcelone, soirée et nuit chez notre fils Matthieu et sa Lilian, RER pour rejoindre la gare Barcelona Sants et TGV pour Montpellier où nous arrivons dimanche à 13h.Ce voyage à Malte s’est déroulé sans difficulté. Seules les températures très fraiches nous ont surpris. Les habits pour un temps estival que nous avions prévu sont restés dans la valise, en revanche nous avons dû utiliser pendant tout le séjour les vêtements chauds initialement prévus seulement pour les trajets aller et retour.
La conduite à gauche n’a pas posé de problème. La vitesse est limitée à 80 sur les routes et 50 en agglomération, ce qui facilite les choses car la circulation est malgré tout intense sur les axes principaux et les conducteurs maltais sont parfois fantaisistes.
La religion catholique est omniprésente. Outre les grandes églises et cathédrales que nous avons visitées, on trouve de nombreuses petites églises dans tous les villages et quelques chapelles isolées dans la campagne. Nous avons aussi remarqué que beaucoup de maisons sont ornées de petites sculptures ou peintures près de la porte d’entrée représentant la Vierge ou un saint. À Rabat comme à Qala, les cloches sonnaient tous les quart-d’heure même pendant la nuit et, au petit matin, l’angelus nous réveillait dès 6h30. Il faut s’y habituer.
Nous avons beaucoup aimé La Valette si riche de témoignages du passé, le port si coloré de Marsaxlokk, la citadelle de Mdina et les sites côtiers magnifiques de Gnejna et de Dingli. Nous avons également apprécié la tranquillité de Gozo, la belle citadelle de Victoria, la grandeur solitaire de Ta Pinu et les sites pittoresques de Qbaijar, Dwejra et Xlendi.
Par contre, nous avons été déçu de la grotte bleue pourtant encensée par tous les guides touristiques. Nous n’y sommes peut-être pas allé au bon moment.
Nous revenons enchantés et encourageons celles et ceux qui ne connaissent pas cette île curieuse à aller y passer une bonne semaine. En évitant l’été, ses grosses chaleurs et son affluence touristique.
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