• TERRE ET GOUDRON

    Le rallye de Catalunya compte pour le championnat du monde des rallies.
    On peut y voir les meilleurs pilotes du monde au volant des meilleures autos évoluer
     sur des routes et pistes magnifiques.

    Récit de l'expédition.

    La plaque de rallye

     

     

     

    Ce week-end du 14 au 16 octobre 2016, je suis descendu dans la région de Tarragone voir le rallye de Catalunya, onzième manche du championnat du monde des rallies.

    C’est la 5° fois que je fais ce déplacement.

    La première fois c’était en avril 1998 avec mon fils Matthieu. Sur un parcours tout asphalte, les 306 maxi et Xsara kit-car avaient tenu la dragée haute aux toutes nouvelles wrc des ténors du moment mais n’avaient pu empêcher la victoire d’Auriol sur sa Corolla.

    J’y suis revenu en mars 2002. Á l’époque, le parcours se partageait entre les montagnes de la région de Vic au nord de Barcelone et les collines des environs de Reus et Tarragone. Panizzi avait fait le spectacle avec sa 206 wrc en offrant un splendide 360° sous le pont de l’autoroute en pleine spéciale et avait assuré le doublé avec son compère Burns devant la Xsara wrc de Bugalski.

    En 2010, le parcours se concentrait dans la région de Reus et Tarragone avec PC et parc d'assistance à Salou et l’organisateur avait innové en proposant une première étape sur terre. Spectacle garanti. Les passages en dérive du maître de la discipline et de ses poursuivants impuissants contrastaient avec les trajectoires tendues au ras des rochers qui ne pardonnent pas la plus infime erreur.

    Rebelote en 2013 sans Loeb parti se changer les idées en circuit. Mais le nouveau Seb avait été aussi intransigeant que l’ancien d’autant qu’on ne lui mettait pas encore des balais dans les roues.

     

    Vous l’avez compris, j’aime bien ce rallye qui a l’avantage de se dérouler pas très loin de chez moi. Je l’apprécie pour la belle région qu’il parcourt, pour ses spéciales tracées sur des routes virevoltantes au revêtement impeccable et sur des pistes en terre très roulantes, et pour l’ambiance très sympathique. Pas de flics hargneux ni de commissaires autoritaires, sans doute la conséquence d’un public discipliné et bon enfant qui crée une excellente ambiance au bord des routes. Une bonne organisation aussi qui prend en compte les spectateurs en leur proposant des parkings gratuits aux points d’accès. De plus, en principe, il y fait toujours beau. Quoique cette année a été l’exception qui confirme la règle.

     

    Vendredi 8h du matin. Après les quelques averses de la veille et de la nuit, la pluie se met à tomber fort quand je gare ma voiture près de l’une des immenses éoliennes qui rugissent de rage dans le ciel gris balayé par un fort vent d’ouest.

    L’ES 2 Caseres passe à quelques centaines de mètres sur l’une des pistes qui traversent ces collines où vignes et champs d’oliviers et d’amandiers alternent avec des bois de pins et de chênes verts.

    Je connais l’endroit, j’y suis venu en 2013, et je sais où aller me placer : un droite sec suivi à cinquante mètres d’un gauche plus large, en descente, à environ 2 km de l’accès. La pluie ne se calme pas, bien au contraire, et la piste est complètement détrempée. Les Mitsubishi 00 et 0 laissent à peine des traces. Peut-être Sébastien Ogier sera-t-il moins pénalisé ici par ce règlement idiot qui l’oblige à partir systématiquement en premier et à balayer la route pour les autres.

     

    En attendant les premiers passages, chacun s’abrite des rafales comme il peut. La pluie n’a pas découragé les fanas. Dans "mon" virage, une dizaine de spectateurs patientent sagement sous leurs ponchos et leurs parapluies.

    De ma position, je ne vois pas arriver les voitures cachées par les buissons de myrte mais j’entends très bien les hurlements rageurs du moteur de la Polo wrc. Elle surgit en dérive, les roues bien droites, s’arrache du virage et se propulse vers le gauche en contrebas. Il n’a l’air de rien ce gauche mais il faut plonger à la corde, à ras des arbres pour ne pas se laisser déporter dans les buissons à l’extérieur. Ce que fera une Mitsubishi Lancer un peu plus tard. Ogier nous gratifie d’un passage propre tout en souplesse. On a l’impression qu’il n’a même pas ralenti.

    ES 3 Caseres - Ogier Ingrassa - VW Polo wrc - 1°

    ES 3 Caseres - Ostberg Floene - Ford Fiesta wrc - 5°

    ES 2 Caseres - Paddon Kennard - Hyundaï i 20 wrc - 4°
     

    ES 2 Caseres - Sordo Marti - Hyundai i 20 wrc - 2°

    ES 3 Caseres - Ostberg Floene - Ford Fiesta wrc - 5°
     

    ES 2 Caseres - Tanak Molder - Ford Fiesta wrc - 6°
     

    ES 2 Caseres - Meeke Nagle - Citroën DS3 wrc - abandon
     

    ES 3 Caseres - Breen Martin - Citroën DS3 wrc - 10°

    ES 3 Caseres - Prokop Tomanek - Ford Fiesta wrc - ab.
     

    Derrière le Français, tous passent en dérive plus ou moins accentuée. Outre les 3 Polo, il y a les 4 Hyundai i 20, les 2 Fiesta officielles bleues clair de Otsberg et Camilli, et celles de Tänak, Solberg et Prokop aux couleurs plus tranchées, les 3 DS 3 officielles et la Mini JCW vert pomme de l’Ukrainien Gorban. Viennent ensuite une vingtaine de voitures en catégorie R5, surtout des Fiesta et des Skoda Fabia, ainsi qu'une seule DS 3 et une seule 208. Le reste des 71 concurrents roule en 208 R2, Fiesta R2 et Mitsubishi Lancer évolution X, à part une paire de Clio et DS 3 R3 et une Opel Adam bien solitaire. Toutes les carrosseries sont maculées de boue qui camoufle en partie leurs belles décorations.

    Ce sont Neuville et Paddon sur les Hyundai officielles qui font les meilleurs temps, suivis d’Ogier à 2"5.

     

    Au fil des passages, le sol rendu meuble par la pluie se dégrade de plus en plus. La trajectoire est creusée, balafrée par les pneus et le reste de la piste est couvert de gravier boueux.

    Ciel bleu sur l'ES 7 Caseres 2

    Pour le 2° passage à 15h 30, j'ai choisi un enchaînement droit gauche à un kilomètre de là, que je n’avais même pas remarqué en passant à pied le matin, tellement il paraissait anodin. Mais d’après les traces laissées par le premier passage, la trajectoire n'est pas évidente. La pluie s’est finalement arrêtée et quelques bribes de soleil éclairent par moment le paysage et commencent à sécher la piste qui reste malgré tout très glissante. L’endroit est effectivement un bon spot. Ogier débouche en dérive d’un long gauche en haut d’une bosse et plonge dans la descente qui mène au léger virage à droite. 

    ES 7 Caseres 2 - Ogier Ingrassa - VW Polo wrc - 1°


    Talus et amandiers à la corde empêchent de couper, il faut rester dans l’ornière creusée au premier passage. Mais juste en sortie, l’ornière mène la roue avant droite sur une pierre plate proéminente qui a été dégagée. Elle ne risque pas d’abimer pneu ou suspension mais elle jette l’auto vers l’extérieur dans l’ornière creusée à la corde du gauche suivant, à ras des arbres et des buissons. Toutes les voitures passent en dérive, la roue avant droite levée, frôlent les arbres et disparaissent après avoir copieusement aspergé de boue les spectateurs placés là. Magnifique. Spectaculaire et impressionnant. 

    ES 7 Caseres 2 - Mikkelsen Jaener - VW Polo wrc - abandon
     

    ES 7 Caseres 2 - Camilli Veillas - Ford Fiesta wrc - 19°

    ES 7 Caseres 2 - Sordo Marti - Hyundai i 20 wrc - 2°
     

    ES 7 Caseres 2 - Tideman Andersson - Skodia Fabia R5 - 9°
     

    ES 7 Caseres 2 - Prokop Tomanek - Ford Fiesta wrc - abandon


    C’est dans cette spéciale à l’adhérence délicate que Sordo a pris la tête devant Ogier qui a visiblement assuré, que Latvala est sorti et a ouvert son train avant et que Neuville a fait un tête à queue qui a arraché tout l’avant de la carrosserie de sa Hyundai sans rien toucher de vital.

    ES 7 Caseres 2 - Neuville Gilsoul - Hyundaï i 20 wrc - 3°


    La palme du spectacle revient à Gorban et sa belle Mini JCW qui nous a gratifiés d’un passage d’anthologie.

    ES 7 Caseres 2 - Gorban Korsia - Mini JCW wrc - 15°
     

    ES 7 Caseres 2 - Gorban Korsia - Mini JCW wrc - 15°
     

    ES 7 Caseres 2 - Gorban Korsia - Mini JCW wrc - 15°


    Samedi, sous le soleil revenu, le parcours retrouve le goudron et les spéciales traditionnelles déjà vues les années précédentes. Belles routes larges, lisses, mélangeant grandes courbes et petits coins mais bordées par endroit de parapets et de rochers sans pitié. Quand les cordes sont utilisables, personne n’hésite à y plonger pour tendre les trajectoires au maximum.

    J’ai choisi l’ES 11 de Montmell à laquelle j’accède par une magnifique route sinueuse qui serpente sur les pentes de ce massif couvert de forêts de pins. Deux kilomètres avant le village d’Aiguaviva, la Guardia Civil nous fait passer par un chemin de terre à travers bois de pins et vignes qui mène finalement au village où de grands parkings ont été prévus près de la spéciale. Au premier passage, je suis dans un long droit juste après un gauche serré et qui commande une assez longue ligne droite en sortie de forêt. La corde est herbeuse et bien dégagée et tous les concurrents s'y jettent, certains n’ayant même pas une roue sur l’asphalte.

    ES 13 El Montmell - Ogier Ingrassa - VW Polo wrc - 1°

    ES 13 El Montmell - Sordo Marti - Hyundai i 20 wrc - 2°
     

    ES 13 El Montmell - Neuville Gilsoul - Hyundai i 20 wrc - 3°
     

    ES 13 El Montmell - Ostberg Floene - Ford Fiesta wrc - 5°
     

    ES 13 El Montmell - Meeke Nagle - Citroën DS3 wrc - abandon

    ES 13 El Montmell - Gorban Korsia - Mini JCW wrc - 15°
     

    ES 13 El Montmell - Prokop Tomanek - Ford Fiesta wrc - abandon


    Au deuxième, je me poste dans un autre droit large et bien dégagé où la corde en bordure d’une vigne en contrebas est aussi très accueillante. Ça va très vite, tous les concurrents y plongent sans hésiter. Juste après ce droit ultra rapide, il y a un gauche aveugle où seul Ogier passe sans lever le pied, impressionnant de maîtrise et d’audace.
     

    ES 16 El Montmell 2 - Ogier Ingrassa - VW Polo wrc - 1°
     

    ES 16 El Montmell 2 - Paddon Kennard - Hyundaï i 20 wrc - 4°
     

    ES 16 El Montmell 2 - Ostberg Floene - Ford Fiesta wrc - 5°
     

    ES 16 El Montmell 2 - Meeke Nagle - Citroën DS3 wrc - abandon
     

    ES 16 El Montmell 2 - Tanak Molder - Ford Fiesta wrc - 6°
     

    Tideman Andersson - Skodia Fabia R5 - 9°
     

    Suarez Carrera - Peugeot 208 R5 - 37°


    Je ne m’attarde pas à regarder passer le long défilé des R2 qui donnent l’impression de se traîner après les vitesses fantastiques des ténors. Pourtant ils n'amusent pas le terrain. Je rejoins ma voiture en marchant à l'écart de la route à travers vignes et vergers de pommiers et en savourant ce paysage bucolique très agréable.

    Ogier a fait le meilleur temps aux deux passages et a repris la tête du rallye devant les 3 Hyundais de Sordo, Neuville et Paddon.

     

    L’étape du dimanche est courte, juste deux spéciales à parcourir deux fois. Il n’y a pas trop le choix.

    J’ai rejoint l’ES 17 / 19 Duesaigües qui emprunte une route large et sinueuse.

    En bordure de l'ES 21 Duesaigües 2

    Je me gare à Riudecanyes tout près de l’accès à la spéciale et remonte à pied jusqu’à une épingle large vite envahie par les spectateurs. Mais il y a de la place sur les talus surplombant la route. Les responsables de la sécurité ne laissent rien passer mais tout se fait en douceur, calmement et poliment et les gens obtempèrent sans broncher.

    Cette fois, c’est Camilli qui arrive en premier, très vite. Il enroule l’épingle et bondit jusqu’au virage suivant sur une trajectoire impeccable. Ce n’est pas spectaculaire, on se croirait sur un circuit, mais c’est propre et efficace. Et le spectacle continue de deux minutes en deux minutes. Même la Peugeot 208 et l’Opel Adam R2 semblent aller vite ! 

    C’est la Power Stage où il y a encore quelques points à glaner. C’est sans doute pour ça que tous roulent fort, bien que le classement soit maintenant figé. Mais c’est aussi la dernière spéciale du rallye. Le spectacle est terminé !

    ES 21 Duesaigües 2 - Breen Martin - Citroën DS3 wrc - 10°
     

    ES 21 Duesaigües 2 - Paddon Kennard - Hyundai i 20 wrc - 4°
     

    ES 21 Duesaigües 2 - Ostberg Floene - Ford Fiesta wrc - 5°
     

    ES 21 Duesaigües 2 - Camilli Veillas - Ford Fiesta wrc - 19°
     

    ES 21 Duesaigües 2 - Kopecky Dresler - Skodia Fabia R5 - 8°


    Ogier est vainqueur du rallye pour la troisième fois devant les 3 Hyundais de Sordo, Neuville et Paddon puis les Fiesta de Ostberg et Tänak. Camilli, l’espoir français pilote officiel chez Ford n’est que 19° suite à une avarie de la boite de vitesses.

    Et Ogier est champion du monde pour la quatrième fois consécutive malgré les embûches d’un règlement tout spécialement fait pour l’empêcher de gagner.

     

     

    Bien que pris dans le flot de spectateurs qui quittent la spéciale, je rejoins l’autoroute AP 7 sans trop de difficulté. Il ne me reste plus qu’à grignoter les 450 km d’autoroute pour rentrer à Montpellier en veillant à respecter les 120 km/h espagnols puis les 130 français. Le régulateur de vitesse veille au grain et, grâce au soleil estival et surtout à l’excellente musique sud-américaine déversée en continu par une radio espagnole, le trajet se passe en douceur, tandis que je revois en pensée le magnifique spectacle donné par les meilleurs pilotes du monde sur les routes catalanes, spectacle que j’ai pu admirer pendant ces trois jours de course.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    più
    Dimanche 23 Octobre 2016 à 23:28

    Un grand merci, Max, pour ce reportage et ces magnifiques images du monde du rallye 2016.

    2
    Fairy
    Lundi 24 Octobre 2016 à 20:05
    C'est comme etre la et sentir que vous avez beaucoup de plaisir a ce rally.
    3
    DESSONET JM
    Mardi 25 Octobre 2016 à 17:35

    Superbes images ! Il y a quelques années, j'avais vu passer le Paris-Dakar au Rond-Point du Grand M à Montpellier.

    Je n'avais pas d'APN à l'époque, et avais pu photographier Jutta Kleinschmitt, plus tard vainqueure du Dakar en 2001.

    JMD

    4
    carrera11
    Jeudi 27 Octobre 2016 à 19:04

    Salut Max,

    Belles photos de vacances, belles photos du RACC jolis enchaînements (Gorban ...), terre, boue, sec, goudron, tu as été gâté, mais en tant que fidèle c'est bien normal. J'ai visualisé qqs essais de 2017 !! il va falloir que tu ajoutes des vidéos sur ton blog, cela promet !                        Bon je suppose que tu as deviné qui se cache derrière ce pseudo, bises à Hélène, et a+ de vive voix.

     

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