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CHÂTAIGNES ÉCRASÉES
Avant-dernière épreuve du championnat de France des rallyes 2024, le Critérium des Cévennes se déroule, comme son nom l’indique, dans cette magnifique et sauvage région. Récit de ces deux jours passés sur les petites routes du parcours.
Le critérium des Cévennes est un rallye mythique pour son parcours particulier et le terrain magnifique dans lequel il se déroule.
Positionné fin octobre, ses routes étroites et sinueuses sont souvent jonchées de feuilles de châtaigniers et de châtaignes écrasées rendant le goudron glissant et piégeux, phénomène aggravé par la pluie qui s’invite assez souvent à cette période de l’année. Elles sont aussi jalonnées de petits ponts étroits aux impitoyables parapets de pierre.
Le parcours est centré sur la ville du Vigan où est installé le parc d’assistance et comprend 13 épreuves spéciales qui empruntent quelques hauts lieux réputés tels le col du Pas, celui de l’Asclier ou de la Bantarde, et traversent des villages aux noms enchanteurs, Les Plantiers, Mandagout, Saint-Martial, Sumène, Saint-Bresson ou Roquedur.
Malgré sa proximité de Montpellier, je n’étais pas venu voir le Critérium des Cévennes depuis 2018.
Cette année 2024, ce sont 144 concurrents qui vont se battre contre le chronomètre, le trophée Clio ayant apporté un gros contingent d’équipages.
Les favoris sont Léo Rossel et Yoann Bonato sur des Citroën C3, Éric Camilli sur une Hyundai i20, tous les trois en tête du championnat de France dans cet ordre, puis Rouillard, Brunet et Mauffrey sur des Skoda Fabia. Toutes ces autos appartiennent à la catégorie reine Rallye 2. Il faudra aussi suivre quelques Alpines A110 engagées en RGT dont celles de Cédric Robert et de Mourgues, ainsi que Sastre sur sa Porsche 997 GT3 Cup, un fidèle de l’épreuve. Et la bagarre parmi les concurrents de la coupe Clio promet d’être féroce.
Après avoir fait mes repérages le lundi précédent l’épreuve, j’ai choisi d’aller voir la course le vendredi dans la spéciale Montardier Saint-Bresson Roquedur et le samedi dans la spéciale Val d’Aigoual Les Plantiers Col d’Asclier Sumène. Dans les deux cas, j’aurai droit à deux passages sans avoir besoin de me déplacer.
Habituellement, je vais me mettre en place à proximité de la spéciale la veille pour éviter levers matinaux et embouteillages mais la météo ayant annoncé la pluie du jeudi au samedi, j’ai décidé de ne pas dormir dehors le jeudi soir. Je partirai donc de Montpellier vendredi de bonne heure et le soir, je dormirai dans un gite bien situé juste en dessous du col de l’Asclier à une demi-heure de marche de la spéciale.
Vendredi matin. Je quitte Montpellier très tôt pour rejoindre l'ES 3 Montardier Saint-Bresson Roquedur. Après Le Vigan et Avèze, j'emprunte la petite route qui mène au hameau de Pommiers puis un chemin goudronné mais très étroit qui grimpe dans les bois. Au sommet de la montagne, près de la pierre plantée et son menhir, j'arrive à un col d'où démarre une piste. L'espace est dégagé et il y a de la place pour se garer. Je connais l'endroit pour y être venu en 2009. Il fait à peine jour mais il ne pleut pas. Pourvu que ça dure. Pendant que je prépare mes affaires, une autre voiture arrive. C'est un chasseur de sangliers avec qui je discute un moment avant de descendre par la piste qui rejoint la ferme de Lacombe 150 m en contrebas sur l'autre versant.
Pendant la descente, une violente averse m'oblige à enfiler poncho et surpantalon. Elle ne dure pas mais aura copieusement mouillé le bitume.
La route empruntée par la spéciale est un peu plus loin. Pour le premier passage, l'ES 3 à 9h30, j'avance jusqu'à un grand virage en fond de vallon un kilomètre plus loin. Toujours pas de pluie mais un peu de brouillard et la route est bien mouillée.
Les voitures passent dans l'ordre des numéros. En tant que vainqueur de la précédente édition, Léo Rossel avec sa Citroën C3 grise arbore le n°1, suivi de la C3 rouge de Yoann Bonato puis d'Éric Camilli sur une Hyundai i20.
Ce sont ensuite Lucas Darmezin sur C3, Sarah Rumeau sur une Ford Fiesta rose, Cédric Robert sur une Alpine A110, Rehane Gany sur une Fiesta jaune qui passent à une minute d'intervalle.
Après Patrick Rouillard sur une Skoda Fabia rutilante, passent Philippe Greiffenberg sur une rare VW Polo GTI à l'amusante décoration et Thierry Brunet sur une autre Skoda Fabia plus discrète.
À l'exception de l'Alpine qui est une RGT, toutes les autres appartiennent à la catégorie R2.
Suivent plusieurs Citroën C3 et DS3, une Peugeot 208 T 16 et des Alpine A110 avant le long défilé des Clio et 208 moins performantes.
Les premiers passent très fort, proprement, sur des trajectoires tendues, mais le rythme se calme ensuite avec les Clio de la Coupe, à l'exception de quelques pilotes ambitieux qui roulent bien tels Pélamourgues, Sterling ou Serieys.
Quelques amateurs au volant de 208 attaquent aussi mais la différence avec les pilotes de pointe est flagrante.
Certaines autos se font remarquer par leur originalité, comme la BMW 318i Compact de Dufour, la Peugeot RCZ de Riso et une solitaire Opel Adam.
Encore des Alpine roulant largement un ton en dessous de celle de Robert. Mais elles sont magnifiques. Un coup de génie, le dessin de cette auto inspiré de l’A110 des années 70.
La fin du défilé comporte des voitures plus modestes aux mains d'amateurs passionnés et sans doute moins fortunés : 106, Clio de première génération, Saxo et même une Honda Civic.
C'est Rossel qui fait le meilleur temp devant Bonato à 5"5 et Camilli à12"6. Vivens sur une C3 est à 24" suivi de la Fiesta de Gany à 31"9, Rouillard et Darmezin à 34"8. Avec sa Fiesta rose, Rumeau précède l’Alpine A 110 de Robert.
La Clio la plus rapide est celle de Serieys qui précède Stirling de 2 petites secondes. Sastre et sa Porsche 997 GT3 ne sont pas passés, en panne avant même l'ES 1. Dommage, le feulement du 6-cylindre qui résonne dans les vallons donne des frissons.
Lorsque tous les concurrents sont passés, je reviens au carrefour de la piste par laquelle je suis arrivé où je me placerai pour le passage de l'ES 7.
Pendant que je casse la croûte, passent les VHC. Une Escort aux couleurs de Vénéré et une autre aux couleurs Rothmans, des BMW M3 et des Kadett GTE, une R5 turbo aux couleurs Calberson, une R5 GT turbo, une originale TR7 v8, une poignée de Samba, Rallye 2 et 3, des Porsche 911 Carrera, des voitures qui me rappellent le bon vieux temps des années 70 et 80 quand la grande majorité des autos étaient des propulsions, certes moins rapides, mais bien plus spectaculaires. Nostalgie.
Pour cette ES 7, nous avons droit à quelques rayons de soleil qui sèchent en partie la route. Je suis dans un long droit bordé par les parapets d'un pont. Les concurrents passent dans le même ordre. Rossel, Bonato, Camilli, Darmezin, Rumeau, Robert sur l’Alpine A110 et Gany.
Le goudron noir à l'entrée du virage rend la route glissante et la plupart des concurrents passent en sous-virage.
Rouillard, Greiffenberg, Morel sur la 208 T16, Nicolas, Brunet sur Skoda Fabia précèdent les Alpine de Mourgues et Nègre.
Je regarde passer les premières Clio parmi lesquelles se distinguent celles de Stirling, Chauffray et Serieys, la Peugeot 208 de Sarrazin et l’étonnante 205 GTI de Jeudy qui attaquent sérieusement.
J’en regarde passer encore deux, Pélamourgues et Deslauriers, puis je quitte la spéciale pour remonter jusqu'à ma voiture.
Dans ce deuxième passage, Rossel, Bonato, Camilli ont conservé leurs positions, suivi de Gany qui profite de l’abandon de Vivens sur sortie de route avant l’ES 4, de Darmezin, 5°, qui a gagné deux places, et de Rumeau qui a passé Rouillard. Stirling et sa Clio sont 8°, devant l’Alpine de Robert derrière laquelle se pressent deux autres Clio, celles de Chauffray et Serieys, respectivement 10° et 11°. Aux mains de pilotes qui attaquent, ces Clio vont vite. Pelamourgues sur Clio qui avait terminé l'ES 3 seulement en 88° position s'est repris et fait le 18° temps.
Je redescend au Vigan pour passer au parc d'assistance installé sur la grande route qui traverse la ville.
La pluie se remet à tomber assez fort alors que je parcours les allées du parc. Ce n'est pas la bonne heure car les voitures sont sur le parcours. Je ne m'attarde pas et, par une route étroite jonchée de feuilles de châtaigniers, je rejoins le gîte de Mas Corbières où je vais dormir à l'abri.
Le mas est un groupe de maisons accrochées dans la pente au bout du valat de Vanierette.
C'est un gîte d'étape pour les randonneurs qui parcourent le GR 6 dont une branche, le GR 6 B, passe par le mas.
Une assez grande pièce fait office de cuisine et de salle à manger et je dispose d'une chambre meublée d'un grand lit et de deux petits lits superposés. Simple, rustique mais agréable et nettement mieux que ma tente, surtout avec ce temps particulièrement mauvais.
Samedi 5h30. Je me lève et me prépare. J'ai une demi-heure de marche sur le GR 6 B qui monte au col de l'Asclier où passe la spéciale Val d’Aigoual Les Plantiers Col d’Asclier Sumène que les concurrents vont courir deux fois, au cours de l’ES 10 et de l’ES 12.
Pendant que je déjeune, j'entends le bruit de la pluie sur la treille. Je vais voir. C'est un véritable déluge qui s'abat sur les Cévennes. Du coup, ma motivation en prend un coup. Je n'ai plus tellement envie de marcher pendant une demi-heure sous des trombes d'eau et, en plus, de nuit. En allumant mon téléphone, j'apprends que les préfets de l'Hérault et du Gard ont pris un arrêté interdisant la 2° étape du rallye en raison des très mauvaises conditions météorologiques. Malgré la déception, c'est aussi un soulagement. Je n'ai plus besoin de monter au col. Je peux donc reprendre ma voiture et rentrer à Montpellier sans regret. La pluie est toujours aussi violente, la route est complètement inondée, la visibilité quasi nulle et je suis obligé de rouler presqu'au pas sur la route étroite qui mène à Notre-Dame-de-la-Rouvière. En bas sur la grande route, ça va un peu mieux mais la pluie ne se calme pas.
Au vu des difficultés que j'ai eues pour rejoindre la D999, je pense que l'annulation était une bonne décision.
Du coup, le classement retenu est celui de vendredi soir, à la fin de la première étape. Rossel remporte le rallye pour la deuxième fois consécutive, suivi à 15"5 par Bonato qui espérait sans doute refaire son retard au cours des épreuves du samedi. Derrière ces deux leaders, suivent Camilli, Darmezin, Gany, Rumeau et Rouillard. L’Alpine de Robert est 8° juste devant les 3 Clio de Stirling, Chauffray et Serieys qui ont vraiment bien marché. Puis on trouve la C3 de Nicolas, 12°, les Peugeot 208 de Pueyo et Sarrazin, l’étonnante 205 GTI de Jeudy, l’Alpine de Mourgues, 16°, tandis que la Polo de Greiffenberg n’a pu faire mieux que 22°, Pélamourgues n’arrivant qu’en 25° position.
Je ne regrette pas de m'être déplacé pour aller voir ce demi-rallye car le spectacle était intéressant. Même si les voitures actuelles ne sont pas très spectaculaires, elles roulent vraiment vite et c'est un plaisir d'être témoin d'une telle maîtrise, surtout sur ces routes étroites et tortueuses où l'adhérence change à chaque mètre. Et la montagne cévenole était magnifique sous ses couleurs d'automne.
Tags : cévennes, max labatut, critérium des cévennes, rallye
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